La douleur est, effectivement, l’élément essentiel du tableau clinique, soit douleurs diffuses, soit douleurs localisées. Les douleurs localisées concernent, surtout, le rachis, rachis cervical, dorsal, lombaire et le coccyx. Dans tous les cas, il s’agit de douleurs persistantes, intenses, rebelles aux divers traitements médicaux ou, même, chirurgicaux. Les douleurs diffuses prennent, volontiers, l’allure d’un rhumatisme inflammatoire chronique, avec des douleurs des extrémités, surtout matinales, avec un gonflement subjectif (la malade a conservé, malgré le gonflement allégué, ses bagues). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont parfaitement inefficaces. Ces douleurs sont majorées par le froid, la fatigue et le stress, au contraire, calmées par le repos, la chaleur, la tranquillité et un exercice musculaire raisonnable. Elles sont souvent déclenchées après un traumatisme physique ou psychique.

La fatigue musculaire est le deuxième grand signe de la fibromyalgie, avec une recrudescence matinale. Elle s’associe à une contracture musculaire, avec  sensation de "muscles noués"assez caractéristique. 

Aux extrémités, des sensations de gonflement, des fourmillements ou des troubles vasomoteurs sont souvent rapportés. 

Les troubles du sommeil sont très fréquents : sommeil non réparateur, réveils nocturnes. Ils ne sont pas, toujours, spontanément signalés par les malades.

Il existe toute une série d’autres troubles fonctionnels. L’anxiété et la dépression sont habituelles, plus ou moins marquées. Les troubles digestifs sont fréquents : colite chronique ou syndrome du colon irritable. Un tiers des sujets atteints de syndrome du colon irritable répondent aux critères de fibromyalgie. À l’inverse, un tiers des patients fibromyalgiques décrivent des symptômes de syndrome du colon irritable. Des cystites à urines claires et des douleurs pelviennes sont souvent décrites. Les patients fibromyalgiques sont, également, souvent suivis pour des troubles de l’articulé dentaire (syndrome de SADAM).

Les troubles vaso-moteurs sont habituels : sensibilité au froid avec  un syndrome de Raynaud, fourmillements des extrémités ou syndrome du canal carpien, instabilité tensionnelle.

Les troubles cognitifs sont également très gênants. Des troubles de la mémoire de fixation et, pour certains, de la vitesse de traitement des informations sont notés chez de nombreux patients. Ces troubles sont corrélés à l’intensité de la douleur, à l’anxiété et aux anomalies du sommeil, mais pas à la dépression. Par rapport à des sujets normaux plus âgés de 20 ans en moyenne, il existe un déficit significatif de vocabulaire chez les patients atteints de fibromyalgie.

Un syndrome des jambes sans repos avec des impatiences surtout nocturnes est également souvent noté. 

La fibromyalgie est souvent primitive, volontiers déclenchée par des traumatismes physiques (coups du lapin…) ou psychologiques (événements de la vie, divorce, deuil, licenciement….). Elle peut être aussi secondaire, notamment, à un rhumatisme inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde). L’inflammation a diminué et le sujet continue à souffrir beaucoup.

 

Comment diagnostiquer la fibromyalgie ?

La fibromyalgie est donc une constellation de signes fonctionnels divers, dominés par une douleur chronique et une asthénie intense. Contrastant avec la richesse de l’interrogatoire, l’examen est pauvre. Il y une intégrité articulaire et musculaire (sauf dans les fibromyalgies secondaires). Les deux éléments notables sont des points douloureux multiples, de topographie caractéristique. Ces points douloureux peuvent se situer dans des zones spontanément douloureuses ou non. Leur pression réveille une douleur très intense, souvent, qualifiée d’intolérable. On trouve, aussi, de manière habituelle, une contracture musculaire, surtout sur les trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens et des muscles spinaux. La manœuvre du pincé roulé déclenche des douleurs importantes tout le long du rachis, avec une hypervascularisation nette.

Les critères de l’American College of Rheumatology, proposés en 1990, sont actuellement les plus utilisés. Le diagnostic repose sur une douleur diffuse depuis plus de 3 mois et 11 points douloureux sur 18.

 

Le diagnostic différentiel

Il n’y aucun test spécifique de la fibromyalgie, qui ne peut être qu’un diagnostic d’exclusion. Les formes diffuses doivent faire éliminer les causes médicamenteuses, (traitements des hypercholestérolémies), les grands rhumatismes inflammatoires (en particulier, polyarthrite rhumatoïde, connectivites, syndrome sec ou syndrome de Gougerot- Sjogren, spondylarthropathies), l’arthrose diffuse, l’hypothyroïdie, les états névrotiques purs et certaines affections neurologiques (syndromes extra-pyramidaux) ou virales (hépatites). Une surveillance de quelques mois est souvent importante pour affirmer le diagnostic de fibromyalgie.

Dans les formes localisées, l’attention doit être attirée par le caractère persistant et rebelle de la douleur rachidienne et ne pas se contenter du diagnostic de lombalgie banale ou de coccygodynie…

Un bilan biologique de débrouillage permet, en général, d’éliminer la plupart des diagnostics différentiels. Il doit comporter une vitesse de sédimentation globulaire, formule sanguine – hémogramme, dosage des hormones thyroïdiennes et des enzymes musculaires, recherche de facteur rhumatoïde, d’anticorps anti nucléaires et anti ADN.

 

Bulletin bimestriel n°99 - Octobre 2008