L'HÉMOCHROMATOSE, UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE
Accueil et introduction
Ouverture
Philippe NOGRIX
Sénateur d’Ille-et-Vilaine
En préambule, je souhaite vous préciser que le Sénat accueillera toujours votre Association avec plaisir, de même qu’il restera en permanence à son écoute.
L’hémochromatose est une maladie que j’ai découverte il y a trois ans. La volonté de créer une association et d’apporter un service aux malades est apparue depuis sur le grand Ouest. En tant que législateur, il m’a été indiqué à plusieurs reprises que la France devait sortir d’une approche curative, pour davantage privilégier la prévention. En effet, les dépistages précoces existent, mais ils sont encore en nombre trop réduit. J’ai été marqué par les difficultés que j’ai rencontrées pour mettre en place le dépistage du cancer du sein, alors que les conséquences de cette maladie sur la population étaient connues. Grâce à la démarche d’un certain nombre de personnes depuis une dizaine d’années, le dépistage systématique du cancer du sein a finalement pu être imposé. Notre pays devrait ainsi retrouver une certaine souplesse dans ce domaine.
Nous parlons encore d’expérimentation, mais il est avant tout nécessaire d’entrer aujourd’hui dans une ère d’initiatives. Nous avons certes un devoir d’expérimentation, mais également de diffusion et de communication. Des porte-parole sont nécessaires au sein de la société française pour faire connaître l’hémochromatose, et je remercie à ce titre les artisans de ce colloque et les créateurs de l’association Hémochromatose France, qui participent à cette démarche d’information.
Monsieur MATTEI devait initialement être présent parmi nous. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale étant examiné actuellement, il ne pourra finalement participer à ce colloque. Ce projet de loi passera d’ailleurs le 7 novembre au Sénat. Je vous prie d’excuser également mes collègues, qui sont très pris par les travaux sur la réforme de la constitution sur la décentralisation. Sachez que je m’efforcerai d’être le relais de votre cause auprès des sénateurs.
Je vous souhaite une bonne journée. J’espère que cette conférence vous permettra de retrouver davantage de motivation et surtout de mieux comprendre quels sont les messages à diffuser. Nous ne devons pas oublier que, pour mieux communiquer, nous devons avant tout retrouver les uns et les autres une certaine simplicité de langage.
Introduction
Pierre-Marie MOREL
Président de l’Association Hémochromatose France, Nîmes
Je m’adresserai tout d’abord à notre Ministre de la Santé. En avril 2002, le professeur Jean- François MATTEI a réuni 12 000 signatures en un temps record, grâce à Internet, contre le brevetage des gènes. Monsieur MATTEI regrettait notamment les difficultés rencontrées à Bruxelles. La lourdeur du système, la présence de lobbying et l’opacité des processus de décision de ces autorités sont en effet patents. Le danger d’un excès de conservatisme existe et l’hémochromatose est en toute première ligne visée par le brevetage des gènes.
Un deuxième brevet a été déposé à Bruxelles sur un gène qui concerne l’hémochromatose. Or, à chaque brevet, le coût du diagnostic de cette maladie, l’analyse ADN, s’alourdit. Aujourd’hui, 12 000 personnes sont mobilisées contre le brevetage des gênes pour des raisons éthiques, humanitaires et de coûts en matière de santé. Depuis 1989, notre association se bat pour les mêmes raisons. Notre message reste immuable : tout jeune adulte en France devrait bénéficier d’un dépistage des niveaux de fer.
Je remercie d’ailleurs chaleureusement les professeurs, les parlementaires et les journalistes de la diffusion de ce message jusqu’à ce jour. Quelques personnes malades ont ainsi pu être diagnostiquées. Cependant, ces personnes ont été diagnostiquées souvent par hasard. Aucune mesure des autorités sanitaires n’existe pour que le malade soit dépisté à temps. Je souhaite que le débat de ce jour permette de régler rapidement ce problème, afin que les quelques milliers d’hémochromatosiques français soient soignés dans de bonnes conditions.
Présentation de la maladie
Modérateur : Professeur Jean-Pierre VINEL, CHU de Toulouse
Aspects cliniques
Professeur Pierre BRISSOT
CHU Rennes
J’évoquerai les principaux aspects cliniques de la forme dominante de l’hémochromatose. Cette forme présente la double mutation C282Y.
I. L’expression clinique de l’hémochromatose
Le diagnostic s’effectue en trois étapes .
En premier lieu, la maladie ne se déclare pas pendant les vingt ou trente premières années de vie, c’est-à-dire qu’aucun signe n’est constaté au niveau clinique.
En second lieu, le diagnostic est difficile mais possible. Des signes apparaissent, mais ces signes sont disparates ou aspécifiques. Il peut s'agir d'une fatigue chronique, qui conduit souvent le médecin traitant à rechercher dans un premier temps un manque de fer... , de signes articulaires sous forme de douleurs aux mains et aux doigts ,d'une hépatite modérée chronique , etc.
Enfin, le diagnostic peut être facile mais dramatiquement tardif. Le foie est hypertrophié, conséquence d’une cirrhose due à l’excès de fer. Le dépôt de fer dans le pancréas occasionnera un diabète. Le cœur sera aussi touché et une insuffisance cardiaque sera notée. Cette situation aggravée révèle, en réalité, un échec du diagnostic, et nous devons tout faire pour anticiper ce diagnostic.
II. Le diagnostic
Nous devons montrer que les signes cliniques correspondent à des perturbations de l’organisme dues au fer. Pour prouver l’excès de fer dans l’organisme du patient, une prise de sang s’impose afin de rechercher l’augmentation de la saturation de la transferrine. La transferrine est la protéine qui transporte le fer dans le plasma. Un taux de saturation inférieur à 45 % est normal et exclut le diagnostic de l’hémochromatose. Un taux de saturation est suspect au-delà de 45 %. Souvent, le taux de saturation dépasse 60 % chez les hommes et 50 % chez les femmes . Un malade hémochromatosique atteint souvent un taux de saturation de 100 %. Cependant, en cas d’inflammation, le taux de saturation peut être ramené à un taux normal.
L'augmentation de la saturation de la transférrine est donc hautement suggestive. Deux réserves toutefois :Un taux excessif de saturation peut se rencontrer lorsqu’un patient a un passé transfusionnel chronique très conséquent ou lorsque le patient est en insuffisance hépatique grave.
Un test génétique doit ensuite être pratiqué pour rechercher la mutation C282Y. En théorie, ce test est simple, le patient doit réaliser une seconde prise de sang.. Si la mutation est décelée, le diagnostic d’hémochromatose est alors affirmé. La grande difficulté réside dans le fait que ce test est non remboursé, ce qui est un véritable frein pour le patient.
Le médecin doit ensuite quantifier l’intensité de la surcharge en fer. Une prise de sang permet de vérifier le taux de la ferritine. En outre, l’imagerie médicale, l’IRM, peut être un recours pour vérifier l’état du foie. L’assombrissement du foie est révélateur. Il convient ensuite de rechercher une éventuelle fibrose hépatique qui peut au maximum correspondre à une cirrhose. Effectuer une biopsie du foie est alors nécessaire pour pouvoir constater ces évolutions. Pour le patient, cet examen est difficile. Des travaux ont permis d’aboutir à un algorithme simple. L’association de l’absence d’hypertrophie du foie, de l’absence d’augmentation des transaminases et d’un taux de ferritine inférieur à 1000 micro grammes par litre dispense de la biopsie.
III. Le traitement
1. Traitement curatif
Pour éliminer la surcharge en fer, la mesure essentielle du traitement est la saignée ou phlébotomie. En effet, la soustraction de sang, étant donné la richesse en fer des globules rouges, oblige l’organisme à puiser dans les réserves, notamment le foie, et à reconstituer, au niveau de la moelle, des globules rouges. La répétition des phlébotomies permet d’éliminer efficacement l’excès de fer. Le traitement est hebdomadaire dans un premier temps, puis s’espace de deux ou trois mois. La plupart des symptômes disparaissent, à condition de traiter à temps, lorsque le patient n’a pas encore de cirrhose ou de diabète. L’importance de la prévention est ainsi démontrée.
2. Traitement préventif
Ce traitement consiste à effectuer une enquête familiale. A partir du sujet «probant », dont la maladie a été diagnostiquée, nous recherchons dans deux directions : la fratrie du sujet et ses enfants. Le test génétique est alors crucial pour déceler si aucune mutation n’apparaît, si une seule mutation apparaît - le sujet est alors hétérozygote - ; si les deux gènes présentent la mutation - il est alors homozygote -
Cependant, le problème du non-remboursement de ce test est alors "décuplé"!
3. Conclusion
Finalement, l’hémochromatose est une maladie dont le nom est abscons, mais dont l’étymologie est explicite. « Hémo » signifie sang. Le plasma du sang contient la transferrine et c'est l'augmentation de sa saturation en fer qui conduit à suspecter la maladie. Il contient aussi la ferritine qui permet de quantifier la surcharge en fer. C'est dans l’ADN des globules blancs que se trouve la preuve génétique de la maladie. Enfin, nous prenons appui sur la richesse en fer des globules rouges pour traiter l’hémochromatose.
Paroles de malades
Alain LE GUERN
Association Hémochromatose Ouest
Je suis âgé de 67 ans et j’ai l’impression de bien me porter. Mon grand-père paternel est décédé subitement à l’âge de 39 ans. Mon père est mort à 36 ans. Mon fils est mort à 41 ans d’un arrêt cardiaque. Si j’ai la chance d’être encore de ce monde, je le dois au fait que depuis mon retour du service militaire, j’ai été donneur de sang bénévole. Par ces dons, renouvelés régulièrement, je suivais sans le savoir le traitement qui empêchait la maladie de se déclarer.
I. Un témoignage
Je séjournais chaque année dans une île des Canaries. Profitant de ce temps de repos, et en reconnaissance de l’accueil de ce peuple, j’effectuais un don du sang régulier à l’hôpital de la région. En 1997, me présentant pour le don du sang devenu rituel, j’ai eu la surprise de voir mon sang refusé après une analyse préalable. Le médecin m’a exprimé qu’il ne pouvait effectuer le prélèvement prévu pour des raisons que je n’ai pas bien saisies. A la première occasion, j’ai relaté cet incident à mon médecin traitant, qui n’a pas réagi. J’ai repris mes dons du sang réguliers dans le secteur de Lannion, lorsqu’en août 1998, je recevais du centre de transfusion sanguine de Bretagne une lettre me signalant une anomalie biologique de mon sang et me proposant un simple contrôle à réaliser au plus tôt.
Or, en juillet, j’avais pris contact avec l’association Hémochromatose France, suite à un article dans la presse. Les documents adressés par l’AHF m’ont vivement intéressé. J’ai revu mon médecin traitant à ce propos et sur mon insistance, celui-ci a pris contact avec le CHRU de Rennes. Les résultats du test génétique s’avérant positifs, un traitement par phlébotomies régulières est prescrit. Puis, une biopsie du foie est décidée, en décembre 1998. A la suite de l’échographie abdominale qui accompagne cette biopsie, le docteur LAINE remarque une tumeur au rein droit. Cette tumeur s’est révélée cancéreuse et une ablation du rein est décidée. Les saignées ont été alors arrêtées. J’ai repris les saignées en juin 1999.
Mon fils qui, malgré mon insistance, n’avait pas pris conscience de la réalité de la maladie, n’a pas pris le temps de faire le test. Il est décédé brutalement le 1er août 1999. Fort de cette rude expérience, vous comprenez pourquoi, au sein de l’AHF, j’œuvre pour qu’une suite favorable soit donnée à la demande du dépistage systématique de la population.
II. L’hémochromatose, un problème de santé publique
L’hémochromatose est une maladie génétique qui répond aux critères d’un tel dépistage. Cette maladie est connue, fréquente et sournoise. Les conséquences dramatiques de cette maladie sont connues. Les dépenses que l’hémochromatose occasionne sont élevées si le diagnostic n’est pas effectué à temps. Le traitement de cette maladie est simple et permet au malade de retrouver une qualité de vie normale.
Alors, je considère qu’une campagne d’information et de dépistage a pleinement sa raison d'être, d’abord au plan des régions directement concernées, puis au niveau national.
La prévention est impérative. Cependant, comme l’évoquait Monsieur le sénateur, la tendance de notre pays est d’attendre que le désastre s’accomplisse, plutôt que d’admettre qu’une prévention puisse être mise en place. Messieurs du secteur de la Santé, ayez le courage d’agir et de décider. La santé publique est votre domaine. Nous pouvons vous aider, mais assumez votre rôle.
Je suis un survivant, qui souhaite une prise de conscience générale et espère fortement dans les mesures à venir. Les mesures annoncées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2003 laissent présager une prise de conscience de cette carence de la prévention.
J’ai pu lire dans le rapport sur les orientations de la politique de la santé et de la sécurité sociale deux paragraphes intéressants.
Le premier paragraphe s’intitule «Une politique de santé ambitieuse ». La santé publique est en effet un devoir impérieux, qui constitue la priorité de la politique de santé du gouvernement. L’action collective doit être renforcée pour donner aux citoyens les conditions de vivre en bonne santé. Cette action manque à ce jour de détermination, de cohérence et de moyens. Ainsi le projet de loi de finances prévoit-il un montant de 295 millions d’euros pour les actions de santé publique.
Le deuxième paragraphe intéressant a pour titre : « Placer la prévention au cœur de la santé publique ». La prévention demeure insuffisamment développée en France par rapport aux efforts déployés en matière de soins. Ce choix implicite privilégie le curatif au préventif et se traduit défavorablement sur la mortalité prématurée alors même que les indicateurs de santé globaux sont excellents. L’ambition du gouvernement consiste à promouvoir un rééquilibrage de la politique de santé entre prévention et soin. La priorité est donnée à la prévention. La responsabilité de chacun doit être engagée pour préserver son capital santé. Pour y parvenir, des politiques spécifiques seront développées en fonction des problématiques concrètes, en particulier, ces politiques viseront tous les âges de la vie. L’amélioration de conditions de vie sera également un objectif. Ces politiques passeront par des actions de communication, d’information, d’éducation et par des dépistages et de prises en charges précoces. Une politique générale sera menée et adaptée aux différentes pathologies considérées.
Ces propos paraissent très rassurants, cependant l’âge et l’expérience m’amènent à conclure en évoquant deux maximes populaires. L’une affirme que «L’espoir fait vivre » et l’autre que «L’enfer est pavé de bonnes intentions ».
Aspects physiopathologiques
Docteur Olivier LOREAL
INSERM Rennes
Une phase silencieuse est tout d’abord observée dans l’hémochromatose génétique, qui aboutit à la constitution d’une surcharge en fer. Une phase plus tardive entraîne ensuite des complications graves. En conséquence, s’intéresser au développement de la surcharge en fer et se pencher sur l’apparition des lésions est nécessaire pour comprendre la maladie.
I. Rappels sur le métabolisme du fer
Je vous présente un petit monticule de fer qui illustre le contenu normal de fer dans le corps, c’est-à-dire quatre grammes. Le fer doit être correctement réparti dans différents compartiments de l’organisme, qui incluent le secteur plasmatique, les sites où le fer est nécessaire pour le fonctionnement des protéines et les sites de stockage.
Le secteur plasmatique, même s’il est réduit, est toutefois capital. A partir de ce secteur, le fer pourra être distribué vers les sites d’utilisation, dont le secteur hématologique. Les globules rouges constituent le principal site d’incorporation du fer : de 60 à 70 %. Si du fer est présent en excès dans l’organisme, le fer sera dirigé vers les sites de stockage. Le stockage s’effectue grâce aux hépatocytes, cellules du foie, et aux cellules macrophagiques présentes dans la rate, qui permettent le recyclage du fer. A partir de ces différents organes, le fer sera recyclé dans le secteur plasmatique. Un cycle relativement stable s’instaure.
Cependant, des pertes incompressibles journalières existent. Ces pertes justifient que, chaque jour, du fer soit absorbé à partir du bol alimentaire, en quantité égale aux pertes.
L’absorption digestive s’effectue au niveau du duodénum. Les entérocytes sont les cellules digestives impliquées dans la digestion du fer. L’absorption digestive du fer se passe en deux étapes. Le fer passe d'abord de la lumière digestive dans l’entérocyte via des protéines qui permettent d’internaliser le fer. Une deuxième phase, capitale, qui comprend le transfert de l’entérocyte vers le secteur plasmatique fait intervenir d’autres protéines. Je mentionnerai en particulier la ferroportine.
Une fois le fer parvenu dans le plasma, le transport du fer est assuré essentiellement par la transferrine. Cette protéine est synthétisée par le foie et est capable de lier deux atomes de fer. Pour pénétrer dans la cellule à partir du courant plasmatique, la transferrine se lie à son récepteur spécifique, la transferrine et les atomes de fer sont intégrés dans la cellule. Le fer est libéré et disponible pour la cellule. Le récepteur est recyclé et devient à nouveau disponible pour faire entrer le fer.
Le fer, une fois parvenu dans la cellule, transite et est ensuite dirigé vers les cellules qui nécessitent sa présence. Au cas où le fer serait trop présent dans la cellule, il sera dirigé vers un pool de stockage, où 4500 atomes de fer peuvent s’agréger.
Le fer localisé dans les cellules doit pouvoir ressortir. Cette sortie fait intervenir, d’une part, un transporteur qui permet le passage du fer de la cellule au courant plasmatique. D’autre part, une autre molécule permet l’oxydation de ce fer et son transfert vers la transferrine. Le fer est alors à nouveau disponible.
II. Physiopathologie de l’hémochromatose génétique
1. Développement de la surcharge en fer
Le stock en fer de l’organisme augmente et peut atteindre 20 grammes, contre 4 grammes pour un organisme en bonne santé.
La protéine HFE intervient dans le phénomène de la majoration du stock en fer. En 1996, l’existence de cette protéine a été mise en évidence. La mutation C282Y a été découverte dans le cas de l’hémochromatose, qui conduit à la modification d’un acide aminé. Cette mutation altère la structure de la molécule HFE. Par conséquent, cette mutation empêche l’association avec la molécule béta2- microglobuline et l’expression sur la membrane cellulaire de la molécule HFE.
La protéine HFE pourrait soit modifier l’absorption digestive du fer, soit modifier le métabolisme cellulaire.
La mutation de la protéine HFE, en empêchant l’expression de la protéine sur l’entérocyte, serait à l’origine d’une désinformation de cet entérocyte par rapport au stock réel de l’organisme. Les cellules absorberaient donc trop de fer. Des précisions doivent encore être obtenues pour confirmer cette hypothèse.
La protéine pourrait également contrôler le métabolisme cellulaire. Une équipe italienne a observé la captation du fer par les macrophages. Un macrophage d’un sujet normal, exposé à une quantité excessive de fer, sera capable de stocker ce fer au niveau de la molécule de ferritine. Le macrophage d’un sujet hémochromatosique exposé à du fer constituera un stock en fer bien inférieur à ce qui est attendu. Si le déficit génétique est corrigé dans le macrophage, sa capacité de stockage de fer est restaurée. Le macrophage présentant la mutation serait «incontinent » et perdrait trop de fer, ce qui conduirait à l’émission d’un signal qui pourrait encourager l’absorption excessive de fer.
L’hepcidine a également sans doute un rôle déterminant dans l’excès de fer. Une étude a montré que l’invalidation du gène de l’hepcidine entraîne une surcharge en fer. Une augmentation de l’expression de l’hepcidine peut induire une diminution de l’absorption digestive du fer et une augmentation de la rétention du fer par les macrophages, et inversement. La relation entre l’hepcidine et la molécule HFE doit être précisée.
2. Développement des complications
Au niveau du foie, les complications sont la fibrose, la cirrhose et le cancer.
La surcharge en fer peut entraîner des complications par deux mécanismes.
· Du fait de l’excès de fer, des radicaux libres sont produits et entraînent des lésions sur les molécules qui forment la cellule.
· Une modulation de l’expression de gènes se produit également, au niveau des cellules.
En conclusion, quel que soit le mécanisme de développement de la surcharge en fer et le mécanisme des complications, intervenir avant l’apparition de cette surcharge est crucial. La survie d’un patient, chez lequel un diabète dû à l’excès de fer est constaté, est réduite. Si le diagnostic est effectué précocement, nous pouvons rétablir chez le patient porteur de la mutation C282Y une espérance de vie normale.
Aspects génétiques
Professeur Véronique DAVID
CHU Rennes
En 1975, le gène de l’hémochromatose a été localisé. Néanmoins, nous avons attendu 20 ans pour que ce gène soit identifié, en 1996. Le gène a été décrit grâce à une étude sur des souris dont le gène HFE1 a été inactivé, et qui présentaient alors une surcharge en fer. L’hémochromatose semblait bien correspondre à un gène. Cependant, en 2002, plusieurs autres gènes impliqués dans l’hémochromatose ont été décrits. Une nouvelle classification des surcharges en fer a donc été établie.
I. L’hémochromatose impliquant le gène HFE1
Parmi les différentes formes de surcharge en fer, l’hémochromatose HFE1 tient une place primordiale. Sur le gène HFE1 se trouve une mutation transformant un acide aminé, la cystéine, en un autre acide aminé, la tyrosine. Ce gène code pour une protéine qui ressemble à la molécule HLA. La mutation C282Y rend la protéine HFE non fonctionnelle.
La mutation C282Y a réellement une implication majeure dans l’hémochromatose. En effet, dans les populations du Nord-Ouest de l’Europe, cette mutation a été retrouvée à plus de 90 % à l’état homozygote chez les sujets hémochromatosiques. La fréquence de cette mutation dans la population générale est très significative. Les porteurs d’une mutation hétérozygote sont très nombreux dans le Nord-Ouest de l’Europe. En revanche, cette mutation est totalement absente des pays d’Afrique et d’Asie. La pénétrance de cette mutation reste encore à préciser.
En dehors de la mutation C282Y, ce gène peut présenter quelques variants polymorphiques qui ont été décrits, notamment le variant H63D. D’autres mutations existent également, qui sont dites privées. Ces mutations n’ont été constatées qu’une seule fois au sein de quelques familles. La recherche systématique des mutations de ce genre ne présentera pas un grand intérêt diagnostic.
La protéine HFE se situe particulièrement au niveau des cellules cryptiques. Cette protéine forme également un complexe avec le récepteur de la transferrine. Lors de l’hémochromatose, la protéine HFE diminue l’affinité du récepteur pour la transferrine, ainsi, l’entrée du fer dans la cellule est diminuée. L’augmentation de la surcharge en fer due à la protéine HFE1 est ainsi expliquée. En revanche, le rôle de la protéine HFE dans l’absorption intestinale du fer reste mal connu. Cette protéine émettrait un message en fonction du stock en fer de l’organisme pour réguler l’absorption intestinale du fer.
II. Une maladie, plusieurs gènes
HFE2 est une autre forme d’hémochromatose décrite récemment. Touchant des sujets jeunes, celle-ci est appelée hémochromatose juvénile. L’apparition est plus précoce, l’évolution plus rapide, et se traduit par des complications cardiaques et endocriniennes majeures. Le gène a été localisé mais n’a pas été identifié.
Une troisième forme d’hémochromatose est appelée HFE3. Les signes cliniques de cette maladie sont similaires à HFE1. La surcharge en fer est due au gène TfR2, influant sur le récepteur de la transferrine. Les mutations de ce type sont rares, donc l’intérêt diagnostique reste limité.
Face à ces formes à transmission récessive de l’hémochromatose, qui nécessitent deux gènes mutés, d’autres formes à transmission dominante existent. Un seul gène altéré entraîne alors la pathologie. L’hémochromatose HFE4 entre dans cette catégorie. Cette pathologie entraîne une augmentation significative de la ferritine plus importante que le taux de saturation de la transferrine. La ferroportine, protéine qui permet le passage du fer vers la circulation générale, est altérée.
Enfin, une dernière forme, anecdotique, a été décrite au sein d’une famille japonaise.
Quelques formes rares d’hémochromatoses existent donc, dominantes ou récessives. D’autres formes de surcharge en fer peuvent être constatées, dont les facteurs sont multiples. Ces formes sont dues aux autres mutations trouvées dans le gène HFE1, les variants polymorphiques H63D et S65C.
Ces polymorphismes du gène HFE1 sont divers. La mutation H63D est exclusive de C282Y et 16 % de la population générale présente cette mutation. Les hétérozygotes composites C282Y/H63D représentent 2,5 % de la population. Dans le cadre de notre expérience, ces personnes ainsi que les homozygotes H63D montrent une surcharge en fer inférieure aux personnes homozygotiques C282Y.
III. Recommandations
Face à une suspicion clinique, je recommande la vérification de l’augmentation de la saturation de la transferrine, puis de rechercher la mutation C282Y. Dans le cas où la mutation se présenterait sous une forme homozygote, le diagnostic sera l’hémochromatose génétique classique de type HFE1.
Face à un sujet hétérozygote, une recherche d’une deuxième mutation pourra être effectuée.
Un sujet C282Y peut présenter une surcharge en fer et présenter également une histoire familiale. Devant une forme familiale récessive de l’hémochromatose, la poursuite de l’analyse du gène HFE1 sera poursuivie. Le gène TfR2 pourra, en outre, être analysé. Si les symptômes semblent précoces, une hémochromatose juvénile peut être évoquée.
Face à une forme dominante, l’hémochromatose HFE4 pourra être suggérée.
Un conseil génétique doit être mis en œuvre lorsque le patient porte la mutation C282Y en double exemplaire. Le patient doit informer lui-même ses apparentés, selon la loi. Le conjoint sera d’abord examiné puis les enfants.
Pour résumer, l’hémochromatose HFE1 est bien la forme principale de la maladie. Les autres formes d’hémochromatoses sont rares et devront être explorées uniquement sur des arguments solides.
Questions-réponses
De la salle
Je suis un malade, sauvé par le don du sang régulier. Je constate une certaine hypocrisie sur le don du sang des malades. Nous voyons refuser le don de notre sang alors que, lorsque notre maladie n’était pas connue, notre don était accepté.
Par ailleurs, je m’interroge quant aux actions de formation au niveau du corps médical. Nos médecins traitants sont en effet souvent ignorants en matière d’hémochromatose.
En outre, ne faudrait-il pas impliquer le lobby financier et les laboratoires sur la question du traitement de l’hémochromatose ?
Jean- Pierre VINEL
Cette question sera abordée cet après midi dans la partie traitement de ce colloque.
De la salle
Je suis docteur et atteint de l’hémochromatose. Une dizaine d’années a été nécessaire pour diagnostiquer cette maladie. Précocement un cancer du rein droit a été découvert lors de l’examen du foie et une ablation a été décidée.
J’indiquerai que le laboratoire de Bordeaux a indiqué un test C282Y négatif durant deux ans. Puis, ce laboratoire m’a révélé que le test C282Y était positif.
De la salle
Je suis un probant. Je m’adresserai à Monsieur LE GUERN. N’est-il pas inacceptable de savoir que notre maladie se transmet à nos enfants ?
Alain LE GUERN
Je ressens, en effet, une grande révolte.
Jean-Pierre VINEL
Je répondrai à l’interrogation sur le corps médical. Je déplore effectivement que l’hémochromatose ne soit recherchée que dans ses formes avancées. En fait, l’hémochromatose a été longtemps considérée comme une maladie rare.
Pierre BRISSOT
Nous aurons tout à l’heure des données sur la fréquence de l’hémochromatose.
Patricia MARTINEZ
Je m’adresserai à Madame DAVID. Avez-vous des informations sur le brevetage du gène HFE ? Quelle est votre point de vue sur cette question ?
Véronique DAVID
On peut envisager de breveter un kit qui permette le diagnostic mais je considère que les séquences des gènes font partie du patrimoine humain et donc du domaine public.
Patricia MARTINEZ
Aux Etats Unis, le brevet est appliqué et les laboratoires qui effectuent le diagnostic doivent utiliser un kit génétique précis.
Véronique DAVID
Ce type de pratique doit être refusé en bloc.
De la salle
Au sein du laboratoire de l’hôpital Béclère, nous avons été amenés à revoir tous nos diagnostics négatifs pour l’hémochromatose. Une publication a, en effet, montré que des amorces pouvaient ne pas se fixer à cause du polymorphisme. Des personnes dont le test était négatif pouvaient alors présenter la mutation. Nous avons repris tous nos patients et nous n’avons pas trouvé de patient positif. Cependant, l’équipe de Bordeaux a, sans doute, repris également ses malades et découvert qu’un de ses patients était porteur de l’hémochromatose.
L’erreur n’est donc pas due à une erreur de gestion, mais plutôt à une évolution des connaissances.
Véronique DAVID
Je suis d’accord, le polymorphisme peut empêcher le bon diagnostic. Les tests sont parfois erronés.
Philippe NOGRIX
Nous devons effectivement essayer de trouver une régulation internationale par rapport à quelques personnes qui tentent de breveter le génome humain, qui appartient au domaine public. Nous devrons rester vigilants.
Néanmoins, j’insisterai sur le sérieux du réseau de la médecine en général.
Enfin, le principe de précaution qui prévaut dans notre pays me semble très préoccupant. Des procès surgiront un jour ou l’autre contre ce principe.
Pierre-Marie MOREL
Un procès est effectivement initié par la veuve et la fille d’un malade décédé.
Fréquence et pénétrance de l’hémochromatose
Modérateur : Professeur Jean-Claude PARIS, CHU de Lille
Introduction
Professeur Jean-Claude PARIS
CHU Lille
Les exposés qui suivront nous montreront les évolutions de l’hémochromatose en France, puis en Europe. Ces exposés émanent d’équipes très expertes dans ce domaine et qui s’appuient sur des populations abondantes. Grâce au dépistage génétique à la naissance, des fratries et des parents ont été diagnostiqués.
Théoriquement, si le dépistage et la prévention existent, une maladie cliniquement évidente ne devrait plus subsister. Ce colloque est le lieu idéal pour avancer des propositions rationnelles et diffuser nos idées.
Exposés sur les données françaises
I. L’Association Hémochromatose France
1. Un témoignage permanent
Pierre-Marie MOREL
L’Association Hémochromatose France est, au plan international, la seconde association créée pour les malades de l’hémochromatose. Nous avons créé notre association en 1989, dans le but d’abord de témoigner sur cette maladie. A ce jour, nous avons répertorié 3 650 malades sur la France entière. Je vous montre une carte qui représente la densité en nombre de malades par rapport à la population dans les départements.
Les régions de la Bretagne et des Alpes semblent très touchées. En Bretagne, trois fois plus de malades qu’ailleurs sont diagnostiqués. Dans le Languedoc-Roussillon, une population de malades significative est observée. Un grand nombre de malades ont également été diagnostiqués dans le Var, car les patients de ce département sont plus âgés. Cependant, les écarts sont peu importants d’une région à l’autre et l’ensemble de la France est concerné par l’hémochromatose.
Nous souhaitons ainsi un dépistage qui couvrirait la France entière. Nous pourrions commencer par un dépistage sur la Bretagne et sur le Languedoc Roussillon.
2. Une action auprès des pouvoirs publics
Notre association poursuit un objectif de sensibilisation des pouvoirs publics. Nous écrivons des courriers, nous visitons le ministère et nous diffusons un bulletin de l’association auprès des hommes politiques responsables.
3. L’information du grand public
Nous mettons à la disposition de la presse des informations au travers de notre bulletin périodique, quelques journalistes reçoivent ce support. Internet constitue également un vecteur privilégié de communication, notre site est visité un grand nombre de fois : 1500 fois par mois. Chaque visiteur regarde en moyenne cinq pages sur le site.
4. Le dépistage
Nous n’avions pas prévu ce rôle au départ. Sur dix appels reçus par jour, nous aidons au dépistage d’un malade hémochromatosique. Naturellement, nous assistons ce malade dans la mise en place de son traitement et nous l’orientons vers certains médecins.
5. Fidélisation des adhérents
Une permanence téléphonique est assurée et le bulletin est diffusé.
6. Aide à la recherche
Ponctuellement, nous récompensons un chercheur pour ses travaux.
II. Le Secrétariat Médical National des Maladies Héréditaires du Métabolisme
Professeur Pierre BRISSOT, CHU de Rennes
Je remercie toute l’équipe du Secrétariat Médical National des Maladies Héréditaires du Métabolisme (SMNMMH).
1. Méthodologie
Notre mission est décrite dans une circulaire ministérielle de juin 1996, qui détermine un système spécifique pour l’exonération du ticket modérateur. L’hémochromatose est bien une maladie métabolique héréditaire et monogénique.
Pour procéder à la validation de la demande d’exonération du ticket modérateur, le médecin traitant remplit la fiche PIRES (Protocole InterRégime d’Examen Spécial). Ce médecin adresse ensuite la fiche PIRES au médecin conseil, qui lui-même la transmet au médecin expert. Le médecin expert, en fonction des données recueillies, peut adopter quatre avis. Un avis favorable pour la prise en charge peut être émis. Le médecin expert peut également refuser la prise en charge, demander des informations complémentaires ou considérer que l'avis est techniquement impossible.
2. Nombre de dossiers concernés
Ce travail a donné des résultats importants. En effet, les données que nous recueillons représentent un observatoire privilégié de l’hémochromatose. Au cours de l’année 2001, 1106 dossiers nous ont été soumis. Cinq dossiers n’étant pas jugeables, 1101 évaluations ont été effectuées. Au total, 842 avis favorables ont été émis. 76,6 % des dossiers reçus ont donc reçu un accord de prise en charge.
J’évoquerai la situation de l’hémochromatose par rapport aux autres affections métaboliques héréditaires, au nombre de 117. Sur l’ensemble des maladies concernées, les avis exprimés sur l’hémochromatose représentent environ 65 %. Pour l’année 2001, le nombre d’avis favorables a été respectivement de 842 pour l’hémochromatose, 126 pour la phénylcétonurie classique, 41 pour le déficit en 21-hydroxylase, 24 pour la maladie de Wilson, 23 pour la cystinurie, 19 pour la maladie de Fabry, 17 pour la maladie de Gaucher, etc. L’hémochromatose possède donc un poids considérable parmi ces affections.
3. Données démographiques
A partir des 842 patients pris en charge, nous avons établi les principales caractéristiques démographiques de l’hémochromatose. En termes de répartition par sexe, les femmes représentent 43,7 % des malades et les hommes 56,3 %. Cette répartition est assez équilibrée. Concernant l’âge des personnes touchées par hémochromatose, vous remarquez que majoritairement, ces personnes ont entre 40 et 60 ans. Chez l’homme, la tranche d’âge dominante est 40-49 ans, chez la femme, 50-59 ans. Nous observons donc un décalage entre hommes et femmes.
Quant à la répartition géographique, deux notions sont illustrées, la diffusion et l’hétérogénéité. Seuls quatorze départements n’ont pas proposé de dossier en 2001. Nous pouvons écarter les départements d’Outre mer, la Corse, pour observer le continent. Nous constatons alors qu’une dizaine de départements n’ont pas soumis de dossiers. La répartition en France des dossiers est observable grâce au nombre de dossiers. Dix-huit départements ont plus de 10 assurés concernés. Dans le Finistère, le Morbihan, le Nord, L’Ille-et-Vilaine, les Côtes d’Armor, la Seine, les Yvelines, la Seine Maritime, vingt dossiers et plus ont été notés.
Nous ne sommes pas très loin d’un gradient nord ouest – sud est, les principales régions concernées s’avérant être : le Grand Ouest, Paris-Ile de France, le Nord.
4. L’expression clinique
J’aborderai maintenant l’expression clinique et biologique de ces sujets hémochromatosiques. L’expression biologique est constatée dans 100 % des cas (puisqu'il s'agit d'un critère diagnostique). L’expression clinique, sur les 120 patients, est mentionnée dans 50 % des cas, avec par ordre de fréquence décroissante des symptômes concernés : la fatigue, présente dans 55 % des cas ; l’atteinte hépatique, 30 % ; les douleurs articulaires, 20 % ; le diabète, 7 %.
Au terme de ce travail, nous pouvons donc constater que l’hémochromatose est la maladie métabolique héréditaire la plus fréquente en France et que son expression clinique est celle d’une affection dont la pénétrance clinique est partielle mais significative.
III. Un registre régional
Docteur Patricia MARTINEZ,CHU de Montpellier
Aucun registre de l’hémochromatose héréditaire n’a été mis en place en France et, à ma connaissance, aucune donnée spécifique de registre au niveau international n’a été rapportée. Nous avons ainsi mis en place en Languedoc Roussillon un registre des hémochromatoses héréditaires.
Le terme registre correspond à une définition précise. Un registre est un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique. Nous avons mis en place un groupe de travail au CHU de Montpellier, comprenant des cliniciens, des généticiens, des épidémiologistes. Ce groupe a définit les critères d’entrée des malades, qui s’appuient sur la définition clinique et non génotypique de l’hémochromatose. Les sujets doivent être domiciliés dans l’un des cinq départements de la région Languedoc Roussillon.
1. Les raisons du registre des hémochromatoses héréditaires en Languedoc Roussillon
La mise en place du registre trouve son origine en 1996, date de la découverte du gène HFE, principal gène responsable de l’hémochromatose. De nombreuses questions ont été alors soulevées, telles que l’opportunité de mettre en place un dépistage systématique. Des réponses rigoureuses étaient nécessaires pour répondre à cette question. Or, le registre est un excellent outil de santé publique. Cet outil permet des données objectives sur un événement de santé, comme le souligne l’OMS, et d’en suivre l’évolution dans le temps.
En outre, un registre présentait un triple intérêt : épidémiologique, clinique, et de recherche.
Dans le domaine épidémiologique, le registre nous permet d’abord d’obtenir des données quantitatives. Nous recensons, en effet, tous les cas d’hémochromatose connus dans la région. Ce chiffre peut être comparé au nombre d’homozygotes C282Y, que nous avons précédemment défini par une étude. La fréquence des homozygotes dans notre région est de 0,2 %. Ensuite, des indicateurs qualitatifs peuvent être fournis, sur la répartition des malades notamment.
Le registre constitue, dans le domaine clinique, un moyen de développer et de renforcer des liens privilégiés avec les médecins. Ainsi, le diagnostic précoce sera favorisé, ainsi que les enquêtes familiales et la prise en charge de la maladie.
Enfin, le registre nous permet d’aborder, dans le domaine de la recherche clinique, deux aspects. La pénétrance de la maladie et les formes atypiques de l’hémochromatose (mutations autre que C282Y) seront mieux appréhendés. En 1999, nous avons déterminé la fréquence des sujets homozygotes C282Y en Languedoc Roussillon. Ainsi, nous pouvons calculer le nombre total de sujets en âge de développer la maladie et le nombre de sujets homozygotes C282Y.
Le registre nous donne le chiffre de patients réellement atteints. Le ratio du nombre de cas déclarés et du nombre d’homozygotes permettra de connaître la pénétrance de l’hémochromatose dans la région.
2. Les caractéristiques du registre
a. Fonctionnement
Le registre est géré au sein du laboratoire hématologie du CHU de Montpellier. Les médecins établissent la fiche de déclaration, qui comporte des éléments administratifs, cliniques et paracliniques. Un consentement écrit du patient est nécessaire pour l’inscription au registre.
Cependant, seules les données anonymes seront utilisées pour l’analyse clinique et épidémiologique. Les données nominatives sont introduites dans une base séparée. Ces données sont utilisées uniquement pour le suivi des patients à long terme et pour éviter des doublons.
b. Qualités
La principale qualité d’un registre reste son caractère exhaustif. Les sources de déclarations sont multiples : centres hospitaliers, médecins libéraux, laboratoire, centres de saignées.
Nous bénéficions par ailleurs de moyens de contrôles, par l’intermédiaire de la PMSI et des patients qui bénéficient de remboursements de l’assurance maladie.
c. Perspectives
Le principal résultat attendu du registre est la description d’un état des lieux. Nous souhaitons décrire les pratiques médicales actuelles dans la région. Notre démarche s’inscrit dans une réflexion globale sur la formation et l’organisation des médecins. Nous estimons que le registre nous permettra d’améliorer la connaissance de la maladie auprès du réseau médical régional. En outre, le registre régional s’inscrit dans une démarche de santé publique pour favoriser le diagnostic précoce et la prise en charge de la maladie. Ce registre pourrait servir de base pour définir les conditions d’application d’un dépistage précoce à grande échelle.
Je remercie vivement tous les partenaires de ce projet.
IV. Nouveaux-nés et études familiales
Professeur Jacques ROCHETTE, CHU Amiens
Je vous présenterai le dépistage néonatal de l’hémochromatose effectué en Picardie.
Tout d’abord, je traiterai du problème de la pénétrance. Par rapport à l’étude publiée par le Lancet (Beutler et coll.), un moyen existe de prouver que la pénétrance de l’hémochromatose est significative, au moins dans la région de la Somme. Après avoir établi la fréquence de l’allèle Y, nous pouvons établir le nombre de personnes susceptibles de porter le génotype homozygote C282Y. En effectuant des calculs en fonction de l’âge, vous pouvez évaluer le nombre de sujets à risques. Lorsque vous constatez que 207 personnes sont traitées par saignées, la pénétrance de la maladie ne peut être proche de 1 %. En Picardie, la pénétrance est d’environ 25 %.
1. Démarche et résultats du dépistage néonatal
La population, au sein de laquelle nous avons effectué notre dépistage, possède plusieurs caractéristiques. Cette population est moyenne et rassemble plus de 500 000 personnes. Le nombre de naissance par an s’élève à 7100 et le nombre de naissance à risque se situe entre 15 et 20 naissances par an.
Avant de lancer le dépistage, nous avons mis en avant un concept de probabilité. La probabilité pour deux parents d’être homozygotes est le carré de la fréquence de l’allèle lorsque vous dépistez l’hémochromatose chez un enfant. Si un enfant est hétérozygote, la probabilité pour un parent d’être homozygote est la fréquence de l’allèle divisée par deux. Lorsqu’un nouveau-né est diagnostiqué homozygote, le risque relatif pour ses parents d’être eux-mêmes porteurs du même génotype est 17 fois plus grand que celui de la population générale.
Nous avons effectué une enquête préliminaire et 123 couples ont été informés par une brochure. Nous avons obtenu 85 % de réponses positives. Nous avons auparavant adressé une information aux pédiatres et aux puéricultrices dans la maternité d’Amiens, puis une information écrite et orale délivrée aux parents par les pédiatres. En cas de réponse positive, un prélèvement de sang est effectué.
A ce jour, 4652 tests ont été réalisés. Seize sujets homozygotes ont été diagnostiqués. Ainsi, un sujet sur 291 personnes présente la mutation C282Y en deux exemplaires.
Nous pouvons comparer cette démarche de dépistage avec la démarche effectuée en 1999 en Languedoc Roussillon. La population de cette région, plus de 2 millions d’habitants, possède un nombre de naissances en progression mais le solde migratoire est négatif. 12 176 nouveaux-nés ont été testés, la fréquence de l’allèle C282Y a été établie à 3 %. Un sujet sur 638 a été déclaré homozygote. Seuls 43 des nouveaux-nés ont deux parents d’origine caucasienne. Par an, nous pouvons prévoir entre 15 et 45 nouveaux-nés homozygotes.
2. Avantages et difficultés du dépistage néonatal
L’intérêt du dépistage néonatal est de faciliter le dépistage familial. Les deux parents peuvent être hétérozygotes et l’étude s’arrête. Par contre, si un des parents est homozygote, l’étude familiale peut remonter assez loin. Par exemple, vous voyez que pour un enfant homozygote né en 2001, le père, né en 1970, est également homozygote. Il pourra donc être soigné.
Le dépistage ascendant à partir des hétérozygotes pose des problèmes éthiques et n’est pratiqué qu’à la demande des parents. Le schéma qui s’affiche vous montre l’exemple d’une famille où le sujet né en 2001 a été déclaré hétérozygote, puis la mère et l’oncle du sujet ont été diagnostiqués homozygotes.
J’insisterai vivement sur l’importance du dépistage familial. Lorsqu’un homozygote est dépisté, un diagnostic doit être établi pour toute la famille de cette personne. Parfois, au sein d’une même famille, un grand nombre de ses membres peut être touché par la maladie, notamment dans certains villages.
Quelques difficultés apparaissent lors de ce dépistage néonatal. D’abord, certains nouveaux-nés échappent au diagnostic, lorsque les parents refusent le test ou lorsque l’information n’a pas pu leur parvenir. Un rappel doit être effectué dans les maternités tous les six mois, afin que l’information soit toujours donnée.
Des problèmes de gestion des résultats pourraient éventuellement se poser. Des informations sur les nouveaux-nés seront retenues durant des années, nous pourrions passer d’un registre régional à un registre national.
Contacter et motiver les familles n’est pas forcément aisé et prend en tout cas du temps.
Le coût du dépistage par sujet homozygote revient à 20 211 euros et décroît si une étude familiale est effectuée.
En conclusion, nous pouvons affirmer que le test néonatal facilite la possibilité d’une enquête familiale. Les parents d’un sujet atteint peuvent bénéficier d’un diagnostic précoce. Nous avons constaté que les parents d’un premier enfant sont âgés d’environ 26 ans, et ces personnes ne manifestent pas encore de complications. Les parents sont concernés, mais aussi les oncles, tantes et grands-parents.
Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé lors de ce travail.
V. Les données françaises adultes : l’expérience rennaise
Professeur Yves DEUGNIER, CHU de Rennes
Un décideur confronté au dépistage a recours à deux termes, prévalence et pénétrance. Cependant, ces termes cachent quelques difficultés que j’illustrerai grâce aux études que nous avons menées.
1. Prévalence et pénétrance
La prévalence d’une maladie génétique se définit comme la fréquence de cette maladie au sein d’une population donnée. La maladie doit alors être définie, ainsi que la population. La maladie peut être génotypique, ainsi l’hémochromatose correspond à l’homozygotie C282Y. La spécificité de cette homozygotie est très bonne et sa sensibilité est élevée dans certaines régions. L’hémochromatose peut également être définie comme phénotypique, fondée sur des arguments cliniques et biologiques. Cette définition semble imparfaite car les phénomènes biologiques et les anomalies cliniques ne sont pas spécifiques de l’hémochromatose. Cette sensibilité est relativement incomplète parce que certaines hémochromatoses n’expriment pas de signes cliniques.
Nous devons également définir la population étudiée. Une étude idéale couvrirait toute la population générale. En pratique, nous n’avons accès qu’à des sous-groupes, notamment le sous-groupe des donneurs de sang, qui sont relativement éloignés de la population générale.
La prévalence que nous nous pouvons calculer pour l’homozygotie C282Y, à partir de la fréquence de l’hétérozygotie dans une population, reflète mieux la réalité que la prévalence observée dans la population. La prévalence de l’homozygotie C282Y, en Bretagne, s’élève à 0,5 %, sachant que le chiffre de 0,9 % est atteint en Irlande et 0,1 % dans des régions orientées vers le sud.
Nous avons mené une enquête, qui totalise 16 170 sujets, ayant bénéficié du dépistage par test HFE. La prévalence de l’hétérozygotie atteint 14 %, hommes et femmes étant touchés de manière égale. A partir de ce chiffre, nous avons calculé la prévalence de l’homozygotie, qui atteint 0,5 %, dans les populations féminine et masculine. La prévalence de l’homozygotie observée est très proche, s’élevant à 0,57 %, mais touchant 0,3 % des hommes et 0,7 % des femmes. Ce déséquilibre s’expliquerait par une population testée éloignée de la population générale idéale.
Quant à la pénétrance, ce concept se définit par le pourcentage de cas d’anomalies génétiques, qui donne lieu à une expression phénotypique, signes biologiques ou cliniques de la maladie.
Les cas doivent être caractérisés, issus de la population générale idéalement, ou issus de groupes spécifiques dont la sélection est relativement biaisée. Les résultats obtenus sont extrêmement variables.
L’expression phénotypique se définit en trois stades, la prédisposition génétique ou stade 0, l’expression biologique ou stade 1 et l’expression clinique ou stade 2.
2. Les études menées
Je vous montre les résultats de nos travaux pour la population masculine. Très peu d’hommes, 10 %, n’expriment rien, la majorité des hommes, 60 %, expriment biologiquement l’hémochromatose. 30 % des hommes possèdent une expression clinique. Quant aux femmes, 20 % des sujets n’expriment aucun signe. 65 % des femmes montrent une expression biologique et 10 % expriment cliniquement la maladie.
Les stades 1 et 2 montrent une expression biologique et clinique au sein d’une population dépistée très significative.
Le passage du stade 0 au stade 1 et du stade 1 au stade 2 pose question. Deux études en cours tentent de répondre à ces interrogations. D’abord, nous effectuons le suivi de femmes homozygotes âgées de 35 à 50 ans. N’exprimant pas initialement l’hémochromatose, ces personnes ne sont pas traitées. Les résultats montrent que globalement, la plupart de ces femmes augmentent progressivement leur saturation de la transferrine sur trois ou quatre années.
Grâce à l’Association Hémochromatose France, nous avons réalisé une enquête sous forme de questionnaire. Nous avons demandé aux membres de l’association leurs résultats de niveaux de fer, leur suivi avant le traitement des saignées. La majorité des cas, 21, sur un suivi moyen de quatre ans, ont connu une augmentation annuelle de la ferritine, de 1 à 215 nanogrammes par litre. Quelques six cas montraient une diminution du taux de ferritine. Cependant, ces sujets comptaient quatre donneurs de sang et une personne multi-opérée.
Pour résumer, la prévalence de l’hémochromatose en Bretagne est élevée, de l’ordre de 0,5 %. Une forte pénétrance clinico biologique est constatée, tant chez l’homme que chez la femme. Une tendance semble spontanément aggravative en l’absence de traitement.
VI. Données françaises adultes : l’expérience brestoise
Docteur Catherine MURA, EFS Brest
Etant donné la forte prévalence de l’hémochromatose en Bretagne, le centre de transfusion de Brest s’est impliqué dans le traitement de l’hémochromatose dès le début des années 70. Ce site a pris en charge le traitement par phlébotomies itératives, et le suivi des malades par les mesures des paramètres sanguins du fer. Suite à l’identification du gène de l’hémochromatose en 1996, nous avons mis en place le test génétique pour la recherche de la mutation C282Y.
Afin de cerner la prévalence de l’hémochromatose, nous avons mené notre étude sur 410 sujets sains de la région de Brest. Nous avons conclu que, dans la population bretonne, 7,7 % des chromosomes sont porteurs de la mutation C282Y et 14 % sont porteurs du variant H63D. Un individu sur 170 est homozygote pour la mutation C282Y, ainsi 0,6 % de la population bretonne est potentiellement affectée par la maladie.
Depuis 1996, 3 532 tests génétiques d’hémochromatose ont été effectués. Parmi les tests positifs confirmant la maladie, 92 % des sujets sont porteurs homozygotes pour C282Y, 6,4 % sont hétérozygotes composites C282Y/H63D et 1,3 % sont homozygotes pour H63D. Nous avons constaté une évolution du recrutement des patients pour lesquels est demandé un test génétique. La demande est effectuée soit pour confirmer un diagnostic, soit pour réaliser une enquête familiale.
Jusqu’à la fin de l’année 1996, les patients demandeurs de test comptaient 81 % d’homozygotes C282Y. En 1997 et 1998, nous avons noté une augmentation significative de la demande de tests. La proportion de génotypes confirmés s’est abaissée à 45,5 %. Ainsi, un nombre considérable de patients qui ont demandé un test n’étaient pas atteints d’hémochromatose. Depuis 1999 jusqu’en 2002, le nombre de tests demandés s’est stabilisé. Près de 550 tests par an sont pratiqués. La proportion de sujets atteints de l’hémochromatose confirmés est passée de 26 % à 31 % en 2000 puis 29 % en 2001.
La stratégie diagnostique a évolué, ainsi la proportion de tests positifs est-elle plus faible. Cependant, le diagnostic est actuellement proposé plus précocement grâce aux tests génétiques et aux enquêtes familiales. Une augmentation de près de 10 % du nombre de tests demandés après enquête familiale a été constatée. Par conséquent, l’amélioration du diagnostic est prouvée et une prise en charge plus précoce du malade est rendue possible.
Exposés sur les données de l’étranger
Docteur Olivier ROSMORDUC, AP/HP Paris
Mon exposé apportera quelques éléments de réflexion sur la pénétrance de certaines anomalies génétiques au cours de l’hémochromatose. Je me baserai sur les études les plus récentes, qui comportent le plus grand nombre de malades homozygotes C282Y dépistés.
La définition de l’anomalie génétique est nécessaire dans un premier temps. Les principales mutations de la protéine HFE sont la mutation C282Y, qui abolit la fonction de la protéine, et la mutation H63D, dont le rôle est peu clair à ce jour. Lors d’une étude australienne très récente, les auteurs ont observé les manifestations biologiques de la mutation H63D, en l’absence de la mutation C282Y. Cette mutation, soit homozygote, soit hétérozygote, s’est avérée être assez fréquente au sein de la population. Néanmoins, cette mutation ne s’accompagne que d’une augmentation modérée de la saturation de la transferrine, donc les signes biologiques et cliniques n’apparaissent que peu. Je m’intéresserai donc plutôt à la mutation principale C282Y dans la suite de mon exposé.
Dans un deuxième temps, nous devons définir la pénétrance. Si la pénétrance est clinique, un certain nombre de symptômes suffisamment caractéristiques doivent être cernés pour permettre le dépistage et le diagnostic. Si la pénétrance est biochimique, certaines anomalies des paramètres du fer doivent être définies. Quelques symptômes cliniques sont souvent rapportés dans les études, la fatigue, les douleurs articulaires, la pigmentation cutanée, les anomalies hépatiques. Au niveau biochimique, la saturation de la transferrine supérieure à 45 % est un test très sensible, ainsi que le taux de ferritine.
1. La pénétrance clinique
En Suède, une étude a été menée pour un dépistage à partir des tests biochimiques auprès de 65000 patients. Environ 300 sujets homozygotes C282Y ont été trouvés. Certains patients présentent les signes cliniques caractéristiques. Cependant, 40 à 50 % des patients n’ont pas d’expression clinique de l’hémochromatose. En 1999, une étude avait déjà montré que sur 16 malades, la moitié d’entre eux ne présentait aucune augmentation de la ferritine et aucun signe clinique. Ces études vont à l’encontre de notions plus anciennes, qui considéraient que la maladie se développait avec l’âge, jusqu’à une pénétrance supérieure à 95 %. Ces notions sont à relativiser.
En outre, une étude quelque peu polémique a été conduite en Californie et en Angleterre et publiée dans le Lancet par l’équipe de BEUTLER. Plus de 40 000 patients ont été observés, à partir d’une population suivie par un système privé d’assurance. Les données d’un questionnaire clinique ont été relevées, ainsi que les examens cliniques. Enfin, chaque patient a été génotypé.
Les résultats de l’étude montrent que les signes classiques observés lors de l’hémochromatose, fatigue, douleurs articulaires ou impuissance, étaient retrouvés dans un grand nombre de cas.
Or la fréquence de ces signes au sein de la population générale n’était pas moins élevée mais égale à la fréquence des signes manifestés par les malades. Ensuite, les chercheurs n’ont étudié que peu d’homozygotes présentant l’ensemble des signes cliniques suffisamment évocateurs pour permettre un diagnostic sûr. Enfin, selon ces chercheurs, l’expression clinique de la maladie ne semblait pas dépendre de l’âge des patients.
Par conséquent, les signes cliniques ne semblent pas suffisamment spécifiques pour permettre de déterminer la pénétrance de la maladie. Finalement, la pénétrance constatée est sans doute plus faible que la pénétrance avancée auparavant. Dans certaines familles, la pénétrance est faible et n’évolue pas avec l’âge.
Sur ce tableau présentant les résultats de l’étude, vous constatez que la fatigue, les douleurs articulaires, la pigmentation cutanée, l’impuissance sont des symptômes ressentis aussi bien par les malades que par les témoins.
Néanmoins, nous devons rester prudents dans l’interprétation de cette étude. La population de cette étude n’est pas forcément représentative de la population générale. De plus, la pertinence du questionnaire peut laisser perplexe. Le recueil des données est sans doute incomplet, puisque des informations manquent sur les donneurs de sang réguliers notamment. Des patients homozygotes connus ont été exclus de l’étude.
Une étude irlandaise, l’étude de RYAN, entérine en certains points la thèse de BEUTLER. Lors de dépistages familiaux, 80 patients homozygotes C282Y ont été identifiés. Ces patients ont été classés selon la présence ou non de surcharge en fer à partir des dosages biochimiques. Les symptômes tels que la fatigue ou douleurs articulaires, sont exprimés de la même manière chez les patients surchargés et chez les patients non surchargés. Cette étude confirme également la faible spécificité des signes utilisés pour la pénétrance clinique
2. La pénétrance biochimique
Quelles que soient les études, la pénétrance biochimique est élevée. Des anomalies biochimiques ont été observées chez 75 % des hommes et chez 55 % des femmes, en moyenne.
Les équipes de BEUTLER et de RYAN ont démontré une augmentation de la saturation de la transferrine et de la ferritine chez 78 % des hommes et 36 % des femmes. De façon remarquable, l’expression biochimique ne semble pas dépendre de l’âge. Deux types de populations de malades apparaissent alors. Certains sujets développeront la maladie contrairement à d’autres.
Nous ne possédons pas encore d’étude sur les patients non traités, pour des raisons d’éthiques évidentes. Nous attendons les résultats de l’équipe de Rennes.
L’étude de RYAN montre également comment la surcharge biochimique en fer atteint le foie. Une corrélation semble établie entre la surcharge en fer hépatique et la surcharge biologique.
La surcharge en fer conduit à une fibrose puis à une cirrhose du foie. Deux études de dépistage confirment ces conséquences de l’hémochromatose. Aux Etats Unis, une recherche a été conduite lors de dépistages familiaux. La cirrhose apparaît chez 6 % des femmes et chez environ 15 % des hommes.
Les patients dépistés, parents d’homozygotes traités présentant des lésions du foie, montrent également ces mêmes lésions. Ainsi existerait dans certaines familles un facteur de risque plus important lorsqu’un parent présente déjà une fibrose.
En Norvège, un dépistage biochimique a été conduit au sein d’une population de 65 000 personnes. Les taux d’atteintes hépatiques sont significativement plus faibles. Aucune femme ne présente de cirrhose du foie, seuls 3,7 % des hommes connaissent une cirrhose. La prévalence de la cirrhose, dans cette population, reste très faible.
En conclusion, nous pouvons affirmer, à ce jour, que la pénétrance clinique de l’homozygotie C282Y seule semble plus faible que la pénétrance évoquée précédemment. A contrario, la pénétrance biochimique est élevée.
Les différences de surcharge en fer constatées sont certainement dues à d’autres gènes associés à la mutation majeure qui favorisent ou retardent l’expression de la maladie. Des facteurs génétiques de la surcharge en fer existent donc, ainsi que des facteurs d’environnement. Ces facteurs doivent être précisés.
Ces notions doivent être intégrées dans la décision de mise en place de politiques de dépistage de l’hémochromatose.
Questions - réponses
Docteur Isabelle VALLS, Brest
Je m’interroge sur l’opportunité d’un dépistage génétique. Apparemment, un dépistage biochimique semble plus pertinent au vue de la connaissance imparfaite de la pénétrance de la maladie. N’est-il pas trop tôt pour proposer un dépistage génotypique néonatal ?
Jacques ROCHETTE
J’estime que nous ne devons pas nous étonner d’une pénétrance qui n’est pas égale à 100 %. Les maladies récessives gardent cette caractéristique. Je signalerai, en outre, que nous savons depuis 25 ans que la pénétrance de la drépanocytose n’atteint pas 100 %, pourtant cette maladie est recherchée génétiquement chez les nouveaux - nés.
En ce qui concerne le dépistage et la méthode, le dépistage par le coefficient de saturation de la transferrine serait la meilleure solution. Restent les difficultés de définition de l’âge auquel le dépistage sera effectué ainsi que des modalités de l’organisation.
Enfin, nous devons nous mettre d’accord sur la définition de la pénétrance, soit clinique, soit biochimique. Pour ma part, je serais partisan de définir une pénétrance thérapeutique, basée sur la quantité de fer à retrancher pour retrouver des paramètres normaux. Par exemple, la limite de 5 grammes de fer pourrait être significative de la pénétrance de la maladie.
Pierre BRISSOT
La pénétrance biologique suffit pour décider une mise sous traitement, reste à définir cette pénétrance biologique : le traitement sera effectué si le taux de saturation de la transferrine et le dosage de la ferritine sont élevés.
La pénétrance biologique de l'hémochromatose, basée sur ces critères, est hautement significative.
Yves DEUGNIER
La difficulté de l’hémochromatose est le passage de symptômes peu présents à des symptômes très graves.
Cependant, je rappellerai que la fatigue chronique et les douleurs articulaires rendent très pénible la vie des malades. Selon l’étude de BEUTLER, ces signes ne semblent pas spécifiques. Donc la pénétrance ne peut s’appuyer sur ces signes cliniques mais doit prendre en compte les signes biochimiques.
Or la surcharge en fer est une manifestation de la maladie qui peut être tardive. J’estime que nous devons certes prendre en compte une pénétrance biochimique raisonnable, mais aussi attirer l’attention sur ces signes réellement pénibles de l’hémochromatose.
Pierre BRISSOT
Pour stratifier la pénétrance, cinq stades peuvent apparaître : un stade 0 où seul le génotype permet le diagnostic ; un stade 1 où la saturation de la transferrine est augmentée mais avec un taux de ferritine normal ; un stade 2 où saturation de la transferrine et ferritine sont élevées justifiant de la mise en route du traitement; un stade 3 où la pénétrance clinique sera constatée, pénétrance qui atteint la qualité de vie ; enfin un stade 4 qui, outre les signes déjà présents, montre que des organes sont atteints tels que le foie, le pancréas ou le coeur.
De la salle
Je suis biologiste et nous obtenons parfois des variations du calcul de la saturation étonnantes. Pour des patients diabétiques, les coefficients de saturation sont élevés puis redescendent vers des niveaux normaux.
Auriez-vous des pistes de réflexion pour expliquer ces variations ?
Yves DEUGNIER
L’hypothèse la plus vraisemblable me semble être le sevrage d’alcool.
Pierre BRISSOT
Je n’aurais pas été étonné si vous aviez mentionné des variations du taux de la ferritine. Ces variations de taux de saturation de la transferrine ne sont pas classiques.
De la salle
Je me permettrai de vous montrer les bilans qui montrent ces variations.
Odette GERONIMUS
J’ai été dépistée C282Y, ainsi que ma sœur aînée. Je m’adresserai aux journalistes présents dans cette salle. En effet, j’ai souffert des symptômes de fatigue chronique, de douleurs articulaires qui soi disant n’avaient rien d’anormal. J’étais également très bronzée.
Le dosage de fer ne m’a jamais été prescrit, jusqu’à ce que je le demande expressément. Le dosage du fer s’est avéré élevé, ainsi que le taux de ferritine. Le coefficient de saturation de la transferrine avait atteint 99 %. Le personnel médical rencontré ne s’est pas du tout alarmé.
Etant de plus en plus fatiguée, je me suis documentée sur l’hématologie. J’ai constaté que le coefficient de saturation pouvait correspondre à une hémochromatose. J’ai parlé de cette maladie à mon médecin traitant, selon lequel l’hémochromatose était une maladie révolue.
Par hasard, j’ai pu lire un encart dans le journal La Croix sur l’hémochromatose. Cet encart évoquait une surcharge de fer dans l’organisme qui pouvait s’avérer mortelle. Le numéro de téléphone de l’Association Hémochromatose France était également inscrit. J’ai contacté Monsieur MOREL, qui m’a recommandé Monsieur BRISSOT.
Je suis hospitalisée une première fois, puis une seconde fois. Lors de cette seconde hospitalisation, une recommandation m’est effectuée pour une consultation en psychiatrie. Rentrée à mon domicile, je pense être dans une phase de dépression. Mon état empirant, je suis hospitalisée de nouveau. Je contacte Monsieur BRISSOT, qui me recommande de demander une ponction du foie de sa part. Le résultat a bien montré une hémochromatose. Le gastro-entérologue ne m’a conseillé que des saignées trois fois par an. Nous avons alors pris la décision avec mon mari de partir sur Rennes. Depuis deux ans, je suis traitée par saignées.
Hélène SIGNORET
J’apporterai également mon témoignage. J’ai été diagnostiquée en 1981, à un stade avancé de la maladie. J’ai été traitée par des saignées et en début de traitement par Desferal, de mai 1981 à novembre 1984. Depuis un an, les saignées ont été ramenées à 300 ml tous les mois.
Nous rencontrons des difficultés considérables pour que notre maladie soit diagnostiquée. Pour ma part, j’ai souffert très jeune de fatigue, de douleurs articulaires aux poignets et aux doigts. Les seules périodes de répit avaient lieu lorsque j’attendais mes enfants. J’ai consulté mon médecin généraliste durant de nombreuses années. Mes examens n’étaient pas probants. J’ai également consulté des médecins spécialistes, en vain. Je souffrais sans doute d’un problème « psychosomatique ».
A l’âge de quarante ans, j’ai été informée de ma maladie. J’ai été terriblement soulagée, ma fatigue intense avait bien une origine, l’hémochromatose. Aujourd’hui, j’ai soixante ans, depuis vingt ans je me soigne par saignées. Depuis un an, quelques problèmes de cœur sont apparus.
J’estime pouvoir dire que la reconnaissance de ma maladie a été un véritable parcours du combattant. D’autres hémochromatosiques connaissent encore les mêmes difficultés. A mon sens, il s’agit d’un véritable gâchis humain et social.
Tout doit être mis en œuvre pour que cette maladie soit connue, d’autant plus que diagnostic effectué à temps permet une vie et une espérance de vie normales.
Jean-Claude PARIS
En tant qu’universitaires, nous enseignons l’hémochromatose, encore faut-il que notre enseignement soit entendu et retenu. La formation médicale continue telle que celle d’aujourd’hui nous permet de parler de ces sujets d’importance. Pour diagnostiquer la maladie, un dépistage est nécessaire et pour ce dépistage, nous devons affirmer nos idées.
Jean GUERIN
Je représente depuis dix ans Hémochromatose France, depuis ma rencontre avec Monsieur Pierre Marie MOREL. De là, j’ai connu Madame WARNER. Son mari et son frère étaient atteints de l’hémochromatose. Le frère de Madame WARNER est mort brutalement. Sa fille est atteinte de l’hémochromatose. Cette personne vit actuellement aux Etats Unis est très bien suivi, car la maladie a été détectée à temps.
J’ai beaucoup déménagé depuis que je suis à la retraite. A Paris, j’ai voulu créer une association sur l’hémochromatose telle qu’il en existe en Afrique du Sud et au Canada. L’association du Canada a un retentissement considérable. Madame WARNER a beaucoup œuvré pour cette association et a été décorée par le Ministre de la Santé.
Des cliniques, des médecins ont été mobilisés. L’hémochromatose a été diffusée par tous les médias, presse, radio, télévision. Pour parvenir à ce résultat en France, nous devons travailler considérablement. Tous les ans, un rappel sur le problème de l’hémochromatose est effectué dans l’ensemble du Canada durant deux semaines.
J’espère réellement pouvoir mettre en place en France toutes les actions qui ont été lancées dans ce pays.
Patrick TOUBON
Un de nos objectifs aujourd’hui était de sensibiliser les médias. En tant que participant à l’organisation de ce colloque, je peux vous indiquer que 230 médias ont été sollicités. Une douzaine de médias sont très intéressés ; une conférence de presse a eu lieu tout à l’heure avec plusieurs journalistes. Douze autres médias souhaitent un dossier de presse.
Le traitement déplétif (phlébotomies)
Modérateur : Docteur Jean-Claude BARBARE, CH de Compiègne
Expériences du traitement
I. Le rôle du médecin hospitalier
1. La prise de contact patient/médecin
Docteur François LEFRERE, Médecin hospitalier AP/HP Paris
En premier lieu, j’indiquerai que le contact entre le patient et le médecin est un contact entre deux personnes. Le patient doit alors être informé. En effet, si des médecins connaissent mal l’hémochromatose, certains patients sous-estiment leur pathologie. Ces patients comprennent difficilement l’intérêt d’un programme de saignées répétitif, hebdomadaire. Nous avons donc un devoir d’information et expliquer la pathologie et ses conséquences sur le métabolisme. Nous devons également expliquer l’intérêt du traitement et son importance pour l’avenir.
Ensuite, le bilan du patient doit être réalisé. Nous devons connaître l’état d’avancement de l’hémochromatose. Un patient peut être asymptomatique et le traitement sera alors préventif. A contrario, le patient peut déjà connaître les complications de la maladie.
Les modalités de la première rencontre sont variables. Une découverte fortuite du médecin conduit le patient à un traitement, lors notamment du bilan martial (ou bilan des niveaux de fer). Le diagnostic est également réalisé face à une pathologie telle qu’un diabète, une cirrhose ou une maladie articulaire.
Le bilan clinique est essentiel. L’examen biologique consiste en l'évaluation, au niveau sanguin, du coefficient de saturation de la transferrine et du taux de ferritine.
Un test génétique de confirmation est proposé mais un bilan complémentaire doit aussi être réalisé pour examiner les organes susceptibles d’être atteints par l’hémochromatose. Pourront être ainsi effectués : un bilan thyroïdien ; un bilan endocrinien pour observer certaines hormones ; un bilan du diabète, une radiographie de certaines articulations, un bilan hépatique et sanguin, voire une IRM hépatique. Ces bilans impliquent une prise en charge pluridisciplinaire du patient.
Nous devons également informer le malade d’une enquête familiale. Il s’agira de dépister des cas dans la fratrie, les ascendants et les descendants.
2. Le traitement thérapeutique : la saignée
Lorsque le diagnostic est effectué, l’indication thérapeutique est la saignée. Le déroulement de la saignée ressemble à un don du sang, une aiguille est mise en place sur une veine du bras. Une pommade anesthésiante peut être appliquée une heure avant la phlébotomie. Le volume de la saignée dépend de la corpulence de la personne, la norme étant fixée à 7 ml par kilo. Le volume varie entre 300 et 500 ml.
La cadence de la saignée semble spartiate lorsque cette cadence s’élève à deux séances par semaine. Je préconise davantage une saignée hebdomadaire sur plusieurs mois pour normaliser le bilan martial. En général, plusieurs mois de traitements sont nécessaires.
L’objectif final consiste à atteindre des taux minimums, la ferritine sera ainsi inférieure à 50 nanogrammes par ml, le coefficient de saturation de la transferrine sera inférieur à 20 %. Nous exigeons des patients des chiffres en dessous de la normale. Chez ces patients, «flirter » avec la carence en fer est nécessaire pour une déplétion martiale optimale au sein des organes exposés. Ainsi la ferritine peut descendre entre dix et vingt nanogrammes par ml, et le coefficient de saturation entre 10 et 15 %. Après avoir atteint ces chiffres, nous devons assurer des saignements d’entretien pour contrer la reconstitution de la surcharge martiale. Entre deux et quatre mois séparent ces phlébotomies d’entretien.
Les coûts de ces saignées sont très variables. A l’hôpital Necker où je travaille, les saignées interviennent dans le cadre d'une consultation et d’un acte infirmier. Dans certains centre, les saignées sont assimilées à une hospitalisation. Une hospitalisation revient à 400 euros par jour. Une consultation médicale suivie d’un acte infirmier est quatre à cinq fois moins chère et je la recommande.
Certains patients considèrent que leur saignée pourrait être assimilée à un don du sang. Certains pays pratiquent effectivement le recyclage du sang recueilli lors du traitement de l’hémochromatose. Cependant, en France, trois principes régissent le don du sang : l’anonymat, le volontariat, le bénévolat. Le don du sang doit être une démarche gratuite. Or, la situation du patient qui subit des saignées thérapeutiques n’est pas une situation objective. Tout risque de contamination n’est pas écarté. Nous interdisons alors le don du sang pour les malades.
Quelques mesures peuvent être ajoutées aux saignées. Je précise qu’aucun régime particulier n’est nécessaire, en revanche le patient peut limiter les facteurs de risques hépatiques tels que l’alcool. Nous pouvons recommander la vaccination contre le virus de l’hépatite B pour éviter d’éventuelles complications hépatiques.
Concernant l’aspect biologique, nous nous appuyons uniquement sur le bilan martial pour évaluer les niveaux de fer. Une publication récente évoque la microcytose. Si l’organisme connaît une carence en fer, les globules rouges sont plus petits. Ce phénomène est aisé à constater et pourrait se substituer au dosage régulier du fer. Cette piste reste à préciser.
La saignée est donc un outil simple, constamment efficace, qui entraîne peu d’effets secondaires. Si ces effets apparaissent, apporter une compensation pour les patients plus fragiles peut être mis en place. Au moment de la saignée, l’apport d’un soluté glucosé peut compenser la perte de sang.
Les saignées peuvent être commencées tôt lorsqu’une surcharge martiale est avérée. Parfois, le traitement par saignées est débattu lorsque le patient est une personne âgée dont l’état général est bon.
II. L’expérience de l’Etablissement français du sang
Docteur Françoise COURTOIS, Etablissement français du sang
Je vous présenterai l’expérience globale de l’Etablissement et des centres.
1. Organisation des centres de santé
Tout d’abord, je précise que les centres de santé sont des unités thérapeutiques qui siègent au sein des sites transfusionnels. 86 centres de santé se sont développés en France. Ces centres ne doivent pas être confondus avec les centres d’examen de santé.
Depuis le 1er janvier 2000, un changement est intervenu au sein de l’Etablissement Français du Sang. En effet, les 43 établissements de santé se sont rassemblés en quatorze établissements de transfusion sanguine en métropole et quatre établissements dans les DOM TOM. J’évoquerai aujourd’hui uniquement l’expérience des quatorze établissements de la métropole.
A ce jour, 86 centres de santé sont répartis dans treize régions. Les saignées constituent l’activité de base de chacun de ces centres. 28 centres se sont développés davantage que d’autres en fonction de la demande des cliniciens et de la volonté du directeur de centre. Ces centres ont mis en place des activités thérapeutiques sur séparateur de cellule, tel que le prélèvement de cellules souches. Dans 24 centres de santé sont réalisées des transfusions sur site.
Sur une carte géographique métropolitaine, nous pouvons constater une bonne répartition entre les centres lourds, développés à proximité des CHU, et les centres légers, qui ne réalisent que des saignées et des transfusions ambulatoires.
L’activité de 64 centres de santé au cours de l’année 2000 est décrite sur cette diapositive. L’activité de base reste la saignée thérapeutique. Selon les sites transfusionnels, l’activité est développée différemment. Les activités de transfusions ambulatoires se sont réparties sur certains sites. Quelques sites exercent l’activité sur séparateur de cellule.
2. Le traitement de l’hémochromatose par saignées
J’aborderai plus précisément l’activité des saignées. Plus de 42 000 saignées ont été réalisées au cours de l’année 2001 dans nos centres. La répartition du nombre de saignées par région vous est présentée. La Bretagne comptabilise plus de 7 500 saignées annuelles, puis quatre centres sont relativement voisins, qui réalisent entre 4 000 et 5 000 saignées annuelles. Les régions d’Ile de France, de Normandie, du Pays de Loire et de Centre Atlantique sont concernées. Six régions réalisent entre 2 000 et 3 000 saignées annuelles : la région Rhône Alpes, Bourgogne, Pyrénées - Méditerranée, Aquitaine, Nord de France et Lorraine. Enfin, deux régions, les Alpes et l’Auvergne, ne possèdent pas encore de nombreux centres de santé.
Si je détaille cette activité, pour la Bretagne notamment, les 7 500 saignées ne se répartissent que dans cinq centres de santé. Chaque centre réalise entre 700 et 2600 saignées annuelles. Par ailleurs, en Centre Atlantique, les saignées sont réparties de manière hétérogène dans neufs centres de santé. Les relations avec les services cliniques, la volonté du directeur de centre, des raisons géographiques ou historiques expliquent cette hétérogénéité.
Lorsque les types de pathologies prises en charge dans les 86 centres sont observés, nous pouvons remarquer que l’hémochromatose est la pathologie dominante. En effet, 81 % des patients qui se présentent dans nos centres sont atteint par cette maladie. 10 % des sujets sont porteurs d’une surcharge en fer dysmétabolique.
Par ailleurs, le nombre de patients atteints de polyglobulies primitives ou secondaires pris en charge n’est pas négligeable. 1,5 % des patients sont atteints d’une porphyrie cutanée et sont traités sur des petites périodes. 1 % des patients sont atteints d’une surcharge en fer post transfusionnelle.
Notre structure se base sur une cellule de pilotage, avec un médecin coordinateur. Puis nous avons nommé dans chacune des treize régions qui possède un centre de santé un médecin référent. Un médecin est responsable pour chaque centre de santé. A charge de chaque médecin responsable de sa région de se mettre en relation avec les médecins responsables. Un nombre important de médecins, d’infirmières sont donc en relation étroite avec l’ensemble du réseau des professionnels de santé libéraux et avec les cliniciens.
Notre maillage, évoqué précédemment, n’est pas encore assez complet, puisque seulement un peu plus de la moitié de nos sites transfusionnels exercent une activité thérapeutique. Les sites sont présents dans des zones de forte densité hospitalière, donc un soin ambulatoire et proche des cliniciens. Nos structures permettent la phlébotomie, soit comme traitement, soit comme don. Nous avons différencié complètement les soins des collectes soit par des structures différentes, soit par des circuits patients et donneurs alternés, qui ne doivent jamais se croiser.
L’Etablissement français a, en outre, réalisé un effort considérable en matière d’hygiène et de sécurité, obligatoire pour le don du sang. Les médecins et infirmières suivent une formation aux gestes d’urgence.
Lorsqu’un patient se présente pour la première fois, son dossier est créé et ce patient est pris en charge par un médecin. Nous nous assurons qu’un spécialiste a vu cette personne et a confirmé le diagnostic. Ensuite, nous mettons les protocoles en route, traitement d’attaque ou traitement d’entretien, selon le cas. Un médecin juge de l’état clinique du patient et du volume à prélever. L’infirmière prélève et surveille le patient.
Nous avons quelques réalisations en cours. Une formation du personnel des centres de santé est mise en place d’une manière continue de façon à harmoniser les pratiques et à assurer une prise en charge homogène d’un endroit à l’autre. Une formation initiale pour le nouveau personnel est également prévue, ainsi qu’une formation complémentaire sur la sécurité des actes cliniques et la formation aux gestes d’urgence. Ces formations seront mises en place à partir de 2003.
Nous travaillons par ailleurs sur un dossier médical informatisé, qui permettra de faciliter les tâches de réseau. Harmoniser les pratiques, échanger les données dans le réseau sera rendu possible. Nous pourrons également analyser les données épidémiologiques.
Un réel problème reste la faiblesse de l’acte à la nomenclature. L’Etablissement français du sang est confronté à un équilibre budgétaire. La priorité a été donnée à la collecte, aux soins, mais ces actions ont un coût. Des démarches sont effectuées par d’autres établissements auprès de la CNAM.
Parfois, les patients souhaiteraient être prélevés en tant que donneurs de sang. Jusqu’à présent, une contre-indication majeure existait, l’hémochromatose étant une maladie. Toutefois, les attitudes étaient différentes selon les sites. Nous avons formé un groupe de travail sur ce sujet avec les cliniciens, des généticiens, des médecins transfuseurs. Nous avons fixé des bornes pour notre réseau et nous pouvons dire à quel moment nous acceptons le sang d’une personne hémochromatosique et à quel moment nous ne le prenons plus. Ces recommandations nous ont permis de clarifier nos réponses et notre accueil.
Nous apportons donc des éléments de réponse à une demande forte des malades de bénéficier d’un soin rapide, de proximité. Nous avons le soutien des cliniciens pour favoriser ces soins rapides et, pour notre part, notre réseau garde une volonté de se développer.
III. Le rôle des infirmiers
Bruno CAMUS, Infirmier diplômé d’Etat, HEDE
Les patients se posent la question d’une alternative aux saignées se déroulant à l’hôpital. Mon expérience au sein d’un cabinet me permet d’indiquer que cette alternative existe, avec quelques précautions. La saignée est un acte qui peut être réalisé par un(e) infirmier(e) sur prescription médicale. Le médecin doit indiquer sur son ordonnance la quantité de sang à retirer. Le médecin détermine également le rythme des saignées en fonction de l’histoire de la maladie, du poids du patient, de sa taille et de son âge.
Lors de la première prise de contact, l’infirmier doit expliquer au patient le geste qu’il accomplit. Prendre le temps de répondre à toutes les questions est essentiel, ainsi, l’angoisse de la piqûre sera surmontée. Ensuite, le patient sera installé confortablement dans un fauteuil ou en position allongée. Les constantes, le pouls et la tension, seront prises avant d’installer le garrot, qui restera toute la durée de la saignée. Si la tension est trop basse (inférieure à 10), reporter la séance est préférable. La durée de la saignée varie de 15 à 30 minutes.
Quant au matériel à utiliser, les sets de saignées, réservés exclusivement aux soins à domicile, permettent un soin de qualité. Les laboratoires qui sponsorisent ce colloque proposent tous un matériel fiable. Ces sets de saignées sont remboursés au patient, grâce au tarif interministériel des prestations sanitaires, sur la base de 7,50 euros. Les gradations sont très précises, le volume de sang prélevé est très sécurisé. Pour les flacons sous vide existe un témoin vert qui signale la baisse du vide. Un clamp permet à tout moment d’arrêter la saignée ou de la ralentir.
A la fin de la saignée, le garrot est retiré. L’infirmier reprendra les constantes, le patient toujours allongé. L’infirmier redoublera de vigilance lorsque le patient reprendra sa station debout. Une sensation de fatigue peut apparaître, parfois un malaise, qui s’estompera en restant allongé. Le patient devra boire pour compenser sa perte sanguine juste après la saignée. Le matériel souillé sera détruit.
Quant à la conduite à tenir, chaque patient doit posséder un carnet où tous les paramètres contrôlés sont notés. Le rythme des saignées est déterminé par le médecin. Le traitement d’attaque ramène la quantité de fer stockée dans l’organisme à une valeur normale. La durée de cette phase varie de quelques mois à plusieurs années. Chaque saignée de 400 ml permet la soustraction d’environ 210 mg de fer. Si les saignées sont hebdomadaires, 10 grammes de fer par an sont ainsi éliminés. Par conséquent, l’analyse de sang est effectuée toutes les quatre semaines jusqu’à l’obtention d’une ferritine inférieure à 50 microg par litre et d’une saturation de la transferrine inférieure à 30 %. Le taux d’hémoglobine sera également surveillé. L’espacement des saignées est défini par la prescription. La phase d’entretien est instaurée ensuite pour prévenir une nouvelle accumulation de fer dans l’organisme.
Effectuer les saignées à domicile est donc tout à fait possible. Ce soin est référencé dans la nomenclature des actes infirmiers depuis plus de vingt ans. Sa valeur, 14,5 euros, n’a pas significativement augmenté. Or, à ce jour, nombre de patients ne peuvent être pris en charge dans les établissements agréés.
J’estimerais judicieux d’éviter aux patients des déplacements inutiles et d’éviter à la collectivité des coûts inutiles.
La Fédération Nationale des Infirmiers est prête à encourager toute solution efficace.
Questions – réponses
Lionel BAGOT, Docteur, Strasbourg
A partir de quel taux de ferritine ou de quel coefficient de saturation de la ferritine puis-je conseiller à mes patients de donner leur sang ?
Françoise COURTOIS
Nous avons convenu que tout patient saigné est devenu un véritable patient traité et ne doit plus jamais être repris dans le circuit des donneurs.
Lionel BAGOT
Je ne comprends pas votre positionnement.
Françoise COURTOIS
Le principe du don du sang en France reste le bénévolat. Un patient dont le traitement est la saignée sort de l’éthique du don du sang. Cependant, un patient porteur d’un trait génétique qui n’a pas besoin d’être traité peut effectuer un don du sang car sa démarche est tout à fait identique à celle d’un donneur de sang classique.
Lionel BAGOT
Je ne partage pas du tout votre point de vue.
François LEFRERE
Au-delà d’un problème d’éthique se présente un problème pratique. Le don du sang reste une démarche très contrôlée et un risque pourrait être ajouté en autorisant des personnes traitées à donner leur sang. Un risque, qui n’est pas calculable aujourd’hui, existe. Par ailleurs, l’objectivité n’est pas totale lorsqu’un patient donne son sang alors même que ce don correspond au traitement qui lui est prescrit.
De la salle
Un patient peut-il effectuer un don lorsqu’il est désaturé ?
François LEFRERE
J’estime que lorsque les taux en fer sont abaissés avec un taux de ferritine à 10 et un coefficient de saturation très bas, effectuer un don du sang en plus du traitement n’est pas forcément raisonnable.
Françoise COURTOIS
L’infectiosité des sujets porteurs de l’hémochromatose n’est pas à ce jour, totalement écartée, ainsi je rejoins les propos de François LEFRERE sur le risque.
Pierre BRISSOT
L’éthique de la transfusion sanguine semble très stricte, mais effectivement, lors du don du sang, une série de questions est posée au volontaire pour limiter au maximum les risques. En cas de soustraction sanguine à visée thérapeutique, la crédibilité de l'interrogatoire pourrait être fragilisée, le sujet interrogé risquant de faire passer le malade qu'il est avant le donneur qu'en toute bonne foi il souhaite aussi être.
Ce matin, des propos ont montré que l’hémochromatose pourrait s'associer à un déficit en hepcidine. Or l’hepcidine est un anti-microbien. Un certain défaut de résistance contre les microbes pourrait alors exister chez les malades atteints d’hémochromatose. Dans le contexte français de la transfusion sanguine, le scandale du sang contaminé étant encore très présent dans les esprits, nous ne pouvons aujourd'hui nous permettre de prendre le risque de réutiliser le sang des hémochromatosiques.
Vous avez pu constater qu’une porte avait été entrouverte sur ce sujet par le groupe de travail de Madame COURTOIS. Des progrès sont sans doute encore possibles dans ce domaine.
De la salle
Je fais partie du centre de transfusion de Nantes. Je suis d’accord avec Monsieur LEFRERE sur le traitement d’attaque qui permet un effondrement du bilan martial. J’indiquerai que, à plusieurs reprises, j’ai remarqué chez des sujets homozygotes après un traitement d’attaque une ferritine inférieure à dix avec un coefficient de saturation qui reste supérieur à 60 %.
Le traitement doit-il être poursuivi ?
François LEFRERE
J’ai rencontré cette situation. Si le patient conserve un bon état général et si le taux d’hémoglobine se maintient, si des signes cliniques de carence martiale n’apparaissent pas, j’ai tendance à insister.
De la salle
La sécurité sociale refuse de rembourser les trois marqueurs du bilan martial en même temps. Lors de la phase d’attaque, ce non remboursement importe peu, car un seul des marqueurs peut suffire. En revanche, dans une phase d’entretien, cela pose problème.
De la salle
D’autre part, n’est-il pas utile d’effectuer un bilan des alpha-foetoprotéines une voire deux fois par an ?
Pierre BRISSOT
Pour ma part, un suivi des alpha-foetoprotéines n’est nécessaire que si une cirrhose se déclare. Si aucune atteinte hépatique n’est observée chez le patient homozygote, cas qui se présente souvent, l’analyse de ce paramètre n’a pas de raison d’être.
François LEFRERE
J’ajouterai que l’hémochromatose est une affection qui touche à toutes les disciplines de la médecine, ainsi, les patients doivent–ils être «partagés ». Reconnaître les limites de notre compétence est parfois nécessaire. Je propose à mes patients de consulter un spécialiste.
De la salle
Nous proposons effectivement à nos patients la consultation d’un hépato-gastro entérologue.
De la salle
Je suis hémochromatosique, et je suis un traitement de saignées depuis un certain temps. Le nombre des saignées que j’ai subies s’élève à plus de 100. Or chaque saignée entraîne des douleurs osseuses. Ces douleurs et les saignées sont-elles liées ?
Un collègue médecin belge effectue, de son côté, des érythrocytaphérèses pour traiter son hémochromatose et s’en porte très bien.
Françoise COURTOIS
Les érythrocytaphérèses sont des techniques sur séparateur de cellule. En une seule séance est retiré l’équivalent de trois saignées. Néanmoins les séances sont lourdes, le taux d’hématocrite du patient est baissé à des taux voisins de 32 %.
Par ailleurs, nous avions entamé une réflexion pour comparer les saignées et les érythrocytaphérèses au sein de centres de santé. Nous nous sommes rapidement aperçus que la compliance (suivi et adhésion) des patients n’était pas bonne. De plus, de nombreuses contre-indications existent et peu de patients peuvent en bénéficier.
Pour ma part, je propose ce traitement à des patients très occupés qui voyagent beaucoup et dont la compliance est alors difficile.
Pour l’Etablissement Français du Sang, un problème de cotation et d’accord à la nomenclature subsiste et apporte un supplément de difficultés à la facturation.
François LEFRERE
Quant aux douleurs suite aux saignées, je n’ai pas entendu parler de ce phénomène. Je n’ai pas de réponse à apporter.
Hervé SEGALEN, Association Hémochromatose France
Quelques questions ont été posées par l’intermédiaire d’une liste de diffusion par mail. La mise en œuvre des phlébotomies et la réutilisation du sang des phlébotomies sont des sujets qui ont déjà été abordés. Une personne se pose cependant la question de l’efficacité des saignées par sangsues lorsque le patient, en raison de ses veines, ne peut effectuer de saignées.
Françoise COURTOIS
D’une part, la quantification des saignées serait impossible, et d’autre part, j’ai toujours réussi à prélever un patient lorsque j’ai exercé dans un centre de santé.
Annette BUSSEL, médecin, Hôpital Saint Louis
Parfois, des patients très surchargés doivent être saignés très régulièrement, de manière hebdomadaire. Nous avons rencontré des patients qui provenaient d’autres centres, en réelle difficulté face à ce traitement. Nous avons à notre disposition deux modes de saignée. D’une part, nous avons un dispositif utilisant une aiguille à fistule, qui possède un excellent débit, les saignées sont alors très rapides. Néanmoins, face à des veines qui ne sont pas de bonne qualité, nous avons recours à des kits de saignée dont les aiguilles sont de plus petit calibre.
Je considère que la technique de la saignée doit être améliorée lorsque les veines sont difficiles.
J’ajouterai que le remplissage vasculaire lors des traitements diminue considérablement la fatigue éprouvée suite aux saignées.
Quant à l’utilisation du sang des hémochromatosiques, nous avons des conventions au sein de notre laboratoire avec certains laboratoires de recherche. Le sang recueilli est utilisé pour les laboratoires de recherche, qui ont des difficultés à trouver des échantillons sanguins pour leurs travaux. Nous demandons toujours l’avis du patient.
Enfin, j’insisterai sur la complémentarité entre le traitement des patients à domicile et la prise en charge hospitalière.
De la salle
Quel rythme d’IRM proposer à un patient atteint d’une cirrhose ? L’IRM doit-elle être systématique ?
Jean-Claude BARBARE
Je recommande plutôt une échographie semestrielle. L’IRM est utilisé lorsque l’échographie montre une anomalie.
De la salle
L’hepcidine a-t-elle été dosée chez les patients désaturés ?
Jean-Claude BARBARE
A ma connaissance, aucun dosage n’a été effectué.
Olivier Loréal, médecin-chercheur à l'Inserm,
Je confirme qu'à ce jour il n'y a pas de méthode de dosage de l'hepcidine au niveau sanguin.
De la salle
J’ai en charge un patient homozygote C282Y qui présente des crises de goutte après les saignées.
François LEFRERE
Ces crises de gouttes sont classiques, indépendamment des saignées. Une hypothèse pourrait être une augmentation de l’acide urique à cause des saignées.
Par ailleurs, nous pouvons écarter l’hypothèse de la moelle osseuse. En effet, la moelle osseuse qui fabrique le sang ne se trouve plus chez l’adulte que dans les os longs, et non plus dans les articulations.
Patricia MARTINEZ
N’est-il pas utile de prescrire de l’acide folique lors des saignées pour contrer les douleurs articulaires ?
François LEFRERE
Je considère que nos réserves en folates dans l’organisme nous permettent largement de compenser les pertes en folates occasionnées par les saignées.
Annette BUSSEL
Nous avons été amenés à contrôler le taux de folates d’un patient, qui s’est révélé strictement normal.
Par contre, certains de nos sujets deviennent parfois anémiques lors des premières saignées. L’hémoglobine a tendance à baisser. Ce phénomène transitoire doit être expliqué au malade.
François LEFRERE
Je recommande une baisse momentanée du volume lors des premières saignées, pour remonter très vite, ce qui donne le temps à la moelle de compenser les pertes de sang.
Françoise COURTOIS
Nous devons réellement expliquer ce phénomène habituel d’anémie lors des premières saignées. Pour une compliance optimale du patient, nous devons l'encourager car le traitement dure souvent plusieurs mois voire plusieurs années.
De la salle
Quelle place reste-t’il aux chélateurs du fer ?
François LEFRERE
A ce jour, le chélateur du fer le plus connu est le Desferal, en injection sous-cutanée durant cinq jours sur sept. Ce traitement est donc astreignant, lourd, coûteux. A contrario, les saignées sont un traitement simple et efficace.
Une perspective thérapeutique est ouverte avec un nouveau médicament chélateur du fer sous forme orale. Ce médicament permettrait une dépression enfer supérieure à celle du Desferal. Cependant, les effets secondaires signalés sont importants, avec notamment un risque d'agranulocytose.
Diagnostic précoce – Dépistage
Modérateur : Docteur Christian SCHOCH, CNAMTS Paris
Dépistage hospitalier
Professeur Jacques ROCHETTE
CHU Amiens
Nous nous sommes attaché à dépister l’hémochromatose essentiellement dans une population de patients hospitalisés pour diabète ou venant consulter pour fatigue et arthralgies. Une population de témoins a été constituée également, ne présentant aucun signe de l’hémochromatose. Nous avons également essayé d’effecteur un dépistage dans les lieux de la médecine générale.
I. Un dépistage au sein de la médecine générale
Nous n’avons pas pu réaliser cette étude en France car elle supposait des interactions avec les médecins généralistes assez ardues. La démarche, effectuée en Angleterre, a consisté à distribuer un questionnaire aux médecins, qui pouvait orienter leurs indications de prescrire ou pas un dépistage. La médecine anglaise, davantage épidémiologique et préventive que la nôtre, permet aux médecins généralistes de se regrouper dans des «maisons ». Certains médecins généralistes anglais ont donc donné à leurs patients ce questionnaire à remplir.
Sur 4022 questionnaires distribués, 2950 réponses ont été notées. Sur toutes ces réponses, 169 individus avaient un des symptômes annoncés dans le questionnaire. 88 personnes étaient âgées de 25 à 70 ans, le génotypage a été proposé à ces patients. 66 personnes ont accepté et aucune ne s’est révélée être homozygote. Nous pourrions expliquer ce résultat par la difficulté des patients à apprécier leurs symptômes.
II. Un dépistage en milieu hospitalier à Amiens
Nous avons effectué notre démarche au sein des services de rhumatologie, d’endocrinologie, et en médecine interne. Nous avons tenu compte de critères de sélection basés sur la clinique et ou la biologie.
Vous remarquez des génotypes d’une population proche de la population bretonne. Les hétérozygotes composites sont plus nombreux que les lois statistiques ne le laissaient supposer. Un biais de recrutement expliquerait ce phénomène.
Les résultats de notre étude montrent que des patients atteints d’arthrose ou d’ostéoporose ont été génotypés. Vous pouvez noter que peu de patients hémochromatosiques ont été dépistés. En effet, les patients étudiés font partie d’une population âgée, et souvent pour ces personnes, l’hémochromatose a déjà été dépistée.
Concernant le diabète, 121 personnes ont été concernées par l’étude. Le diabète de ces patients avait la particularité d’être difficile à équilibrer. Au sein de cette population au diabète compliqué, plusieurs cas d’hémochromatose ont été diagnostiqués.
La dernière population étudiée était composée de patients hospitalisés pour des raisons de fatigue et de douleurs articulaires, avec une ferritine supérieure ou égale à 100. De même, le génotype homozygote C282Y est apparu plusieurs fois.
Le traitement statistique de ces données montre finalement qu’une population de patients hospitalisés soit pour diabète, soit pour fatigue et arthralgies, avec un paramètre des dosages en fer supérieur à la normale a une grande probabilité de contenir des génotypes homozygotes C282Y.
M’adressant au représentant de la CNAM, j’indiquerai que cette étude prouve l’intérêt du remboursement du diagnostic génotypique à l’hôpital.
L’étude britannique montre des résultats que nous pouvons sans doute extrapoler mais je ne suis pas optimiste sur ce point.
Enfin, je recommanderai fortement d’effectuer le génotypage aux patients hospitalisés diabétiques et dont le coefficient de saturation est supérieur à 40 %. De même, un patient qui présente une fatigue, des douleurs articulaires et une ferritine supérieure à 300 microgrammes par litre doit effectuer un génotypage.
Ces conclusions ne sont pas nouvelles. Néanmoins, il demeure intéressant d’avoir constaté que les services qui ne sont pas spécialisés dans le diagnostic ou le traitement de l’hémochromatose ne connaissent pas ces informations et excluent l’hémochromatose. Certains patients affectés de pathologies qui devaient évoquer l’hémochromatose n’ont pas été diagnostiqués.
Les services d’endocrinologie, de diabète, de médecine interne doivent être mieux informés.
Le coût du dépistage hospitalier est diminué par dix par rapport au dépistage néonatal. Le coût oscille entre 1648 euros et 1427 euros.
Dépistage familial
Docteur Romain MOIRAND
CHU Rennes
I. Intérêt du dépistage
Je rappellerai les différentes phases de l’hémochromatose. Une première phase de latence totale peut être décrite, tant sur le plan biologique que clinique. Puis des anomalies biologiques apparaissent, le coefficient de saturation de la transferrine et le taux de ferritine augmentent notamment. Cependant, le patient n’exprime pas de signes cliniques et aucune atteinte viscérale n’est décelée. Dans une phase plus tardive, vers 40 ou 60 ans, l’expression clinique apparaît. Ainsi, l’importance de diagnostiquer les patients durant la phase de latence clinique est prouvée.
Par rapport au dépistage systématique, le dépistage familial possède deux avantages. D’abord, nous nous adressons dans ce cas à une population à risque. L’entourage d’une personne homozygote C282Y a une plus forte probabilité de trouver parmi ses membres d’autres homozygotes. Au centre de dépistage de Rennes, sur 1228 personnes apparentées à un patient atteint de l’hémochromatose, nous avons détecté 171homozygotes. La rentabilité de ce dépistage est alors de 12 %, chiffre qui ne peut être atteint par le dépistage systématique.
En outre, une possibilité de concordance intra familiale existe. Un certain nombre d’homozygotes n’expriment pas de surcharge en fer, phénomène de non pénétrance de l’hémochromatose. La possibilité de non pénétrance de l’hémochromatose semble très faible pour les personnes de l’entourage d’un patient diagnostiqué. Certains facteurs environnementaux ou d’autres gènes pourraient intervenir.
II. Structure du dépistage
1. Bases génétiques
Nous partons d’un sujet probant, premier patient diagnostiqué homozygote C282Y. Ce probant possède une fratrie, des enfants, des parents. Dans de nombreux cas, le probant est issu d’une union de deux hétérozygotes. Dans la fratrie, plusieurs cas se présentent : aucune mutation n’est décelée ; une mutation hétérozygote est trouvée ou une mutation homozygote. En fait, le plus grand risque d’être hémochromatosique réside au sein de la fratrie d’un probant. Pour chacun des membres de la fratrie d’un probant, une probabilité d’être homozygote de 25 % existe.
Quant aux enfants, souvent le conjoint ne présente aucune mutation C282Y. Les enfants sont donc hétérozygotes. Cependant, du fait de la fréquence des hétérozygotes, dans un cas sur dix le probant peut avoir un conjoint hétérozygote. Dans ce cas, les enfants peuvent être homozygotes.
2. Réalisation
Le dépistage se base d’abord sur un examen clinique et biologique. Nous nous appuyons également sur le gène HFE dont la découverte a transformé le dépistage familial de l’hémochromatose.
En pratique, les parents du probant sont probablement à un âge où l’hémochromatose s’exprime. Nous proposons un dépistage biologique. Ensuite, le test HFE est indiqué aux parents qui ont une surcharge en fer avérée.
La fratrie du probant doit subir un est HFE de manière systématique. Lors de notre expérience clinique, nous avons pu constater que certains homozygotes n’exprimant aucun signe de l’hémochromatose présentaient progressivement des anomalies.
Quant aux enfants, le test HFE est crucial car souvent les enfants n’expriment pas encore l’hémochromatose alors que ceux-ci sont homozygotes. L’âge du dépistage pose problème. Avant 18 ans, nous ne recommandons pas d’effectuer un test génétique. Cependant, le test du conjoint du parent homozygote suffit pour savoir si l’enfant peut être homozygote ou non.
III. Difficultés rencontrées
Sur le plan légal, le médecin n’a pas le droit de prévenir la famille du probant. Nous devons convaincre le probant de prévenir sa famille de sa maladie. Or les frères et sœurs du probant sont les personnes les plus susceptibles d’être porteurs de la maladie, et le probant est en règle général beaucoup plus concerné par ses enfants.
Le conseil génétique a un rôle conséquent. Lors de ce conseil, l’hémochromatose est expliquée à chaque membre de la famille, ainsi que ses conséquences.
Au niveau pratique, la dispersion des familles constitue un frein notable au dépistage. Le non-remboursement du test HFE entraîne également des difficultés.
IV. Le centre de dépistage familial de Rennes
Nous travaillons à l’amélioration du dépistage, en apportant une organisation et un soutien logistique. Notre démarche vise à une information très claire du probant. De plus, une fois que le probant a pris la décision de prévenir ses apparentés, nous lui fournissons une documentation. Nous travaillons ensuite avec le médecin traitant de chaque apparenté. Nous donnons à ces médecins l’information nécessaire et nous l’aidons à l’interprétation des résultats. Nous prenons également en charge la réalisation du test génétique.
Cette expérience fonctionne bien, en motivant le probant et en accompagnant les apparentés et leurs médecins.
Dépistage de population : données générales
Professeur Jean-Yves LE GALL
CHU Rennes
Lorsque le dépistage systématique est évoqué, nous pouvons faire référence à ce qui existe déjà. En particulier, nous pouvons évoquer le système de dépistage de maladies métaboliques mis en place depuis une trentaine d’années en France. Les maladies dépistées sont les suivants : la phénylcétonurie depuis 1972 ; les hypothyroïdies congénitales depuis 1978 ; les hyperplasies congénitales des surrénales depuis 1995 et depuis cette année, la mucoviscidose. A ce jour, environ 23 millions d’enfants ont fait l’objet d’un dépistage systématique de phénylcétonurie.
L’instauration d’un tel dépistage obéit à quelques principes. Certaines conditions globalement admises sont les suivantes : une fréquence relativement élevée ; la gravité de l’affection ; l’existence d’un traitement efficace ; des tests de dépistages simples et fiables.
La fréquence de ces affections varie de 1/15 000 pour la phénylcétonurie, 1/4 000 pour les hypothyroïdies congénitales ; 1/15 000 pour les hyperplasies congénitales des surrénales ; 1/3 500 pour la mucoviscidose, ce chiffre ayant été calculé pour l’Est de la Bretagne.
Chaque nouveau-né en France subit au troisième ou quatrième jour après sa naissance un prélèvement de sang capillaire. Les gouttes de sang sont déposées sur un papier buvard spécial. Tous les cartons sont expédiés aux laboratoires régionaux. La méthodologie pour dépister la phénylcétonurie consiste en un dosage de la phénylalanine sérique pat spectrofluorométrie. Quant aux hypothyroïdies congénitales, le dépistage consiste à doser la TSH et l’hormone17-OH progestérone. Le dépistage de la mucoviscidose s’effectue en deux temps. D’abord un dépistage phénotypique par dosage de la trypsine est réalisé. Si le taux de trypsine est élevé, la recherche de mutation génétique est alors effectuée.
Toutes ces maladies ont un traitement. La phénylcétonurie se traite par un régime alimentaire. L’apport de phénylalanine doit être restreint. Concernant les hypothyroïdies congénitales, un traitement consiste à donner l’hormone déficiente ainsi que pour les hyperplasies congénitales des surrénales. En revanche, la mucoviscidose n’a pas de traitement spécifique curatif.
Le dépistage est géré par des associations privées qui possèdent une structure fédérative. Des associations régionales existent qui sont regroupées au sein d’une association nationale. Cette association nationale passe les conventions avec la CNAM pour obtenir les subventions nécessaires au dépistage. Ainsi, le coût du dépistage par enfant est de 35 francs pour quatre maladies. En ajoutant le dépistage de la mucoviscidose, le coût s’élève à 45 francs. Ces coûts sont extrêmement faibles et ne sont possibles qu’à deux conditions. L’activité de dépistage doit être regroupée dans quelques laboratoires régionaux spécialisés et des négociations commerciales doivent se tenir avec les fabricants de réactifs de laboratoire.
Les associations régionales assurent la gestion des laboratoires ainsi que le suivi des malades.
L’hémochromatose génétique remplit l’ensemble des critères définis pour le dépistage des maladies de l’enfant. Cette affection a une fréquence très élevée, 5/1000 pour les homozygotes C282Y. La gravité de cette maladie est importante. Enfin, cette maladie est traitable de manière simple, efficace et peu coûteuse.
Quelques points restent à éclaircir pour un dépistage systématique de l’hémochromatose. D’abord, la pénétrance en particulier clinique de cette affection pose encore problème. Ensuite, l’organisation d’un tel dépistage systématique reste à définir. L’âge, les laboratoires utilisés pour ce dépistage sont des questions à aborder. Enfin, la nature des tests doit être décidée, entre un dépistage phénotypique et un dépistage génotypique.
Toute une liste de questions restent à débattre.
Dépistage de population : projet régional (Bretagne)
Professeur Yves DEUGNIER
CHU de Rennes
Je présenterai un travail collaboratif mené avec les centres d’examen santé de Saint-Brieuc, de Saint Nazaire et de Rennes, ainsi que le laboratoire de génétique moléculaire du CHU de Rennes. Nous avons réalisé le génotypage de 20 000 sujets des centres d’examen de santé. Je vous présenterai les résultats sur les 10 000 premiers sujets.
J’insisterai sur la prévalence élevée de l’hémochromatose, sur la gravité réelle de cette affection. Le diagnostic est fiable, la curabilité est totale. Toutes ces caractéristiques motivent de s’intéresser à l’opportunité d’un dépistage systématique.
I. La démarche
Les sujets ont été sélectionnés dans les centres d’examen de santé dans deux tranches d’âge. Pour les hommes, la tranche d’âge se définit entre 25 et 40 ans, pour un dépistage aussi efficace que possible. Pour les femmes, la tranche d’âge entre 35 et 50 ans a été retenue, correspondant à la période préménopausique, l’hémochromatose se manifestant plus tardivement chez la femme.
Un questionnaire très complet a été proposé à ces sujets, rempli sous contrôle médical. Ensuite, un examen clinique, un bilan biologique et un examen génotypique ont été effectués. Les 1 000 premiers sujets, définis comme groupe contrôle, ont subi un bilan martial et un test génétique. Le bilan martial n’a été proposé qu’aux patients homozygotes C282Y.
II. Les résultats
Chez les hommes, la saturation de la transferrine au seuil de 50 % a permis l’identification de tous les sujets homozygotes. Deux personnes présentent un risque de cirrhose, forme sévère de la maladie. Lorsque ce seuil de 50 % est observé, vous remarquez que la sensibilité de la population s’élève à 100 %, la spécificité est de 90 %. Ces chiffres sont très satisfaisants.
L’expression biologique et clinique est réelle pour l’ensemble des sujets hémochromatosiques.
Lorsque la ferritine est associée au coefficient de saturation de la transferrine, la sensibilité est augmentée.
Les coûts de l’analyse biologique et du test biologique, divisés par le nombre de personnes testées, donnent les chiffre suivants : l’analyse de la saturation coûte 5 691 euros par personne ; l’analyse de la saturation et de la ferritine, 10 329 euros ; le test génétique, 13 131 euros.
Chez les femmes, les résultats sont très différents.
Deux tiers des femmes ont une saturation de la transferrine supérieure à 37, avec une ferritine plus faible que chez les hommes. L’expression biochimique est ainsi très limitée.
En outre, un tiers de l’effectif non seulement n’exprime pas l’hémochromatose, mais révèle une carence martiale.
Dépister l’ensemble des femmes homozygotes C282Y semble impossible, à moins d’effectuer un génotypage chez les personnes qui ont une ferritine inférieure à 13 ou chez les personnes dont la ferritine est inférieure à 13 et dont le taux de saturation est supérieur à 37.
Ce dépistage nous conduit à réfuter BEUTLER, en effet, nous avons constaté que 18 % des femmes hémochromatosiques ont des arthralgies contre 6 % dans la population de contrôle. Les arthralgies sont bien symptomatiques. La fatigue chronique peut être un facteur de sélection des femmes homozygotes, en retirant les sujets en carence martiale.
Nous pouvons donc affirmer que l’homozygotie C282Y s’exprime chez la majorité des hommes entre 25 et 40 ans. Le dépistage systématique nous apparaît donc justifié et réalisable, étant donné les bonnes conditions de sensibilité et de spécificité.
Chez la femme, la situation est moins aisée. L’homozygotie C282Y ne s’exprime que chez 60 % des femmes, dans la tranche d’âge considérée, entre 35 et 50 ans. Dans l’hypothèse d’un dépistage de masse, deux démarches sont possibles. Soit le dépistage phénotypique fait d’emblée appel à deux tests, la saturation et la ferritine, le dépistage sera alors coûteux. Soit le risque est pris de ne dépister que 60 % des individus, et ce dépistage devra être répété dans le temps. Un dépistage génotypique serait plus adapté à la population féminine.
Quant aux perspectives d’avenir, nous travaillons à optimiser et à évaluer de façon économique le dépistage systématique.
Questions – réponses
De la salle
Combien de sang perdent les femmes chaque mois ?
Yves DEUGNIER
Les femmes perdent de 50 à 150 ml de sang mensuellement.
De la salle
Lors de la dernière intervention, si le débat est élargi à l’ensemble des anomalies du métabolisme du fer, nous nous apercevons grâce au dépistage phénotypique, que les carences martiales chez la femme sont nombreuses.
Yves DEUGNIER
En effet, le dépistage phénotypique permet de cerner des carences martiales nombreuses.
De la salle
Existe-t-il un consensus entre vous, spécialistes, pour démarrer enfin un dépistage systématique de l’hémochromatose dans la population française ?
Yves DEUGNIER
Je répondrai par l’affirmative. Nous souhaitons qu’une étude telle que celle que nous avons menée soit élargie au niveau régional. J’ajouterai que les études sur le dépistage son très récentes.
Jacques ROCHETTE
Les modalités d’un système de dépistage à grande échelle restent à définir. Un système de tickets gratuits peut être envisagé. Nous devons donner la possibilité aux Français d’être dépisté pour l’hémochromatose, mais les pouvoirs publics doivent définir ce système. Le problème du dépistage est davantage un problème d’organisation administrative.
Jean Rialland, Association Hémochromatose France
La médecine du travail peut être le moyen d’un dépistage systématique.
Jacques ROCHETTE
Un certain nombre de personnes n’ont jamais recours à la médecine du travail ! Nous ne devons pas modifier le fonctionnement de la médecine du travail, mais nous devons trouver le moyen de le faire dans le système actuel.
De la salle
Nous pourrions nous aider de la médecine du travail dans un premier temps seulement.
Christian SCHOCH
Nous nous heurtons à une difficulté majeure lors du dépistage chez les adultes : le problème du volontariat. Les taux de réponse sont difficilement supérieurs à 50 %. Je considère qu’un dispositif plus astucieux, plus efficace doit être mis en place. Une sensibilisation devrait être effectuée régulièrement, par l’intermédiaire de la médecine du travail ou de la Journée d’appel national par exemple. Un bilan de santé peut être fait lors de la Journée d’appel, mais toujours sur la base du volontariat.
Par ailleurs, nous avons entamé une réflexion sur la cause du non-volontariat. Nous avons constaté qu’un nombre considérable de personnes sont informées et refusent catégoriquement la contrainte du dépistage.
Nous devons réfléchir à la pertinence d’un dépistage de masse, d’un dépistage ciblé ou d’une sensibilisation personnalisée.
Jacques ROCHETTE
Pour ma part, je considère que nous ne devons pas perdre de vue l’objectif principal : les complications de cette maladie ne doivent plus exister. A partir de cet objectif, nous devons trouver la meilleure solution.
Yves DEUGNIER
Nous devons travailler à une meilleure information des médecins et du public. J’insisterai également sur la rentabilité du dépistage familial qui est de 12 % contre 0,5 % pour le dépistage de masse. Enfin, avant de mettre en place un dépistage global complexe, des dépistages catégoriels peuvent être proposés, sous forme d’études pilote.
Pierre-Marie MOREL
Je considère que le diagnostic est un concept à dépoussiérer. Si la question est de trouver des nouveaux malades, le diagnostic familial le permet. Seule la recherche de probants, c'est-à-dire hors enquête familiale, permet d'améliorer la situation : l'âge moyen au diagnostic est alors abaissé, comme chacun le sait, de façon significative. Ce sera le moyen d'aboutir enfin aux diagnostics asymptomatiques auxquels la population française doit pouvoir prétendre.
Des procès ont lieu actuellement. Les médecins peuvent répliquer que leur formation est déficiente. Cependant, les malades de l’hémochromatose n’ont pas besoin de la formation des médecins, ces personnes ont besoin de diagnostic. Depuis 15 ou 20 ans, l’hémochromatose semble un problème résolu puisque nous connaissons ses caractéristiques. Les malades sont impatients que des mesures soient prises pour faciliter le diagnostic.
Jean-Pierre FARRIAUX, Président de l’Association Française pour le Dépistage des Handicaps de l’Enfant
Monsieur LE GALL a évoqué notre action précédemment. Un Français sur trois a été testé. 8 000 malades ont été dépistés, en comparaison avec le coût du dépistage, un milliard de francs, ce chiffre semble faible. Néanmoins le dépistage a permis de rassurer un nombre considérable de familles.
Après ces interventions, je considère que les éléments ne sont pas tous clairement définis pour mettre en route un dépistage. Si le génotypage est mis en œuvre et qu’un nombre important de sujets homozygotes ne manifestent pas la maladie, ces sujets ne sont pas malades. Un malade a des signes cliniques. L’étude de la saturation semble un marqueur simple, mais le coût de l’analyse doit être baissé.
L’âge auquel le dépistage est fait doit faire l’objet d’un consensus. Chaque citoyen doit avoir les mêmes droits et le même accès à la santé. Certes, les maladies concernant les enfants peuvent être dépistées dans un même lieu, la maternité. Lorsque nous avons mis en place le dépistage néonatal, nous avons eu de grandes difficultés à convaincre les obstétriciens de la nécessité de piquer les enfants. Aujourd’hui, chaque Français né après 1970 a été dépisté. La Journée d’Appel peut être le lieu du dépistage à condition que 18 ans soit bien l’âge pertinent. Vous devez donc faire preuve d’inventivité.
En outre, le dépistage en lui-même n’a pas d’intérêt, traiter est impératif. Traiter commence par l’annonce du diagnostic par le médecin.
La gestion de l’hétérozygotie n’est pas non plus évidente. L’hétérozygotie est répandue, un test génétique systématique est-il alors pertinent ? Expliquer l’hétérozygotie n’est pas simple non plus. Les généticiens seront réticents à prouver l’hétérozygotie.
L’hémochromatose est certes une maladie grave, fréquente, traitable, mais la question du dépistage reste entière : est-ce faisable, dans quelles circonstances, dans quelles conditions. Vous devez proposer aux pouvoirs publics une solution et une organisation précises, pertinentes.
Jean- Yves LE GALL
Le problème du dépistage de l’hémochromatose n’est pas résolu. Nous passons d’un dépistage chez l’enfant à un dépistage chez l’adulte, comme d’autres pathologies : cancer du sein ou du colon, hypercholestérolémie.
Le problème du dépistage ne peut être résolu en quelques discussions. Le dépistage doit être débattu avec les autorités publiques, puisqu’il s’agit bien d’un problème de santé publique.
Patricia MARTINEZ
Monsieur MOIRAND a décrit le centre de dépistage familial de Rennes. Nous avons essayé de mettre en place une structure similaire, mais la direction s’inquiète du non remboursement des tests génétiques. Les aspects financiers posent problème.
Comment avez-vous pu mettre en place une telle structure ?
Yves DEUGNIER
Le centre où le test C282Y est pratiqué est financé par l’hôpital.
Romain MOIRAND
Je considère que le remboursement de la recherche de la mutation C282Y dans le cadre du dépistage familial devrait être clairement étudié.
Jacques ROCHETTE
Lorsque dans une famille un cas avéré d’hémochromatose est décelé, le dépistage ne devrait pas être un luxe. En effet, nous pourrions nous voir accuser de non-assistance à personne en danger. Ce type d’accusation peut également retomber sur les pouvoirs publics.
Annette BUSSEL
Les conditions exigées par les décideurs pour la mise en place d’un dépistage ne sont pas entièrement satisfaites. Dans cette attente, je pose la question suivante : une solution alternative immédiatement applicable pourrait être la mise en place de centres de référence agréés pour la mise en place de l’hémochromatose quadrillant le territoire national. Ces structures devraient avoir les moyens de dépister à partir des probants, établir un registre national, encadrer la prise en charge thérapeutique par la mise en place de réseaux ville-hôpital, assurer la formation des diagnostics des praticiens.
Monsieur SCHOCH n’a pas pu répondre à cette question car une autre question est venue de la salle.
De la salle
L’Association Hémochromatose France fait partie de l’Alliance des Maladies Rares. J’ai interrogé l’ancien président de l’association Vaincre la mucoviscidose sur la réussite du dépistage systématique. Un accord a été trouvé, comme cela a été dit, entre la CNAMTS et cette association, grâce à un dossier bien monté. Nous pourrions faire de même, nous avons déjà quelques éléments.
Conclusion
Professeur Pierre BRISSOT
CHU de Rennes
Je reprendrai quelques points essentiels de cette journée.
En premier lieu, le remboursement du test génétique est nécessaire. Des commissions sont en cours, mais nous devons continuer de revendiquer ce remboursement.
En deuxième lieu, je souhaite revenir sur le traitement déplétif. Nous devons assurer en France la diffusion, la sécurisation et la valorisation du traitement déplétif.
En troisième lieu, concernant le dépistage systématique, l’organisation n’est peut être pas encore définie, mais cette maladie est fréquente, sa pénétrance clinique et biologique a été prouvée. J’estime que la menace de non-assistance à personne en danger est présente pour les décideurs. Les pouvoirs publics doivent être vigilants. Nous devons innover et trouver le moyen en France de dépister l’hémochromatose.
Je remercie toutes les personnes qui ont participé à ce Colloque, qu’elles soient organisateurs, intervenants, sponsors ou participants.
Philippe NOGRIX
Sénateur d’Ille-et-Vilaine
Je vous recommanderai de continuer à vous battre pour votre cause. Sachez être convaincants. Des partenariats se développent entre les hommes politiques et les hommes de la santé. Je suis persuadé qu’en Bretagne nous pourrons certainement rencontrer des partenaires pour une expérimentation régionale. Soyez convaincus de ma détermination dans ce projet.
En tant que politiques, nous sommes convaincus que l’accusation de non-assistance à personne en danger peut nous menacer. Aidez-nous et nous vous aiderons.